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Réformer le management : toutes les démarches de réorganisation, Lean ou autres, ont toujours considéré l'humain comme la variable d'ajustement... Aujourd'hui bien plus qu'hier

Mise à jour le 06 septembre 2024  Par
En fait, le principal poison de toutes les réorganisations n'est autre que le mépris qui sévit à toutes les strates du management. Les solutions organisationnelles, lean management, démarche qualité, six sigma ou autres, sont toujours imposées du haut vers le bas sans se préoccuper des attentes des créateurs de valeurs que sont les salariés (privés ou publics), si ce n'est pour en réduire les effectifs. Ce sera ensuite à eux de s'adapter et de déployer des trésors d'imagination pour dépasser les nouvelles contraintes imposées et continuer à faire tourner la boutique malgré la surcharge de travail. Il serait temps de renverser la vapeur non ?
L'urgence actuelle : proposer une critique systématique des méthodes d'organisation.
Avant de proposer une piste de réforme du management, c'est effectivement d'une bonne critique non seulement du lean, mais du management en général dont on a besoin. Encore faut-il que celle-ci soit méthodique, concrète et constructive. C'est seulement ainsi qu'elle sera utile, c'est-à-dire que l'on pourra en tirer un enseignement, en extraire la substantifique moelle pour progresser dans la bonne direction. c'est bien là l'objectif.
Déjà il faut commencer par tuer le mythe de la méthode miracle...

Le mythe en question : l'engouement pour la méthode à la "mode"

Depuis bien des années, on accorde une confiance quasi magique aux méthodes de management. Qu'il s'agisse du lean, objet de cet article, des méthodes agiles ou du six sigma, on cherche à nous persuader qu'elles sont LA solution à tous les problèmes de l'entreprise. Et, cherry on the cake, elles amélioreraient drastiquement la rentabilité, ce qui est évidemment la finalité. Mais à quel prix ?

Les mythes du management

James March dénonçait déjà dans les années 80-90 les mythes du management. Il cherchait à comprendre pourquoi on conférait aux méthodes un pouvoir quasi surnaturel de résolution des problèmes. Les mythes du management comme tous les mythes se créent et sont amplifiés par le bouche-à-oreille. D'ailleurs, à l'heure des réseaux sociaux, cette chambre d'écho a pris aujourd'hui des proportions démesurées.

Les modes managériales

Dans le même esprit, dans un article désormais célèbre, Alessandro Piazza et Eric Abrahamson dénoncent les "modes du management". Selon leurs travaux, la méthode du moment est caractérisée par un corpus particulièrement conséquent. C'est d'ailleurs le cas, encore aujourd'hui pour le Lean qui est tout de même une méthode inventée dans les années 50 et qui s'inscrit dans la continuité de Taylor/Ford. Rien de bien frais !
Info Alessandro Piazza, Eric Abrahamson, Fads and Fashions in Management Practices: Taking Stock and Looking Forward. Ce texte est disponible sur le site researchgate.net.

Le vrai piège : les experts de la méthode du moment qui voient son implantation comme un but et non comme une solution.

Obsédés par la volonté d'appliquer la méthode à la lettre, nombre de prescripteurs en perdent la finalité, c'est-à-dire l'enjeu industriel qui a imposé une réforme organisationnelle.
Ils comptent sur l'application de la méthode stricto sensu pour atteindre sans coup férir ladite finalité et se fichent comme d'une guigne des particularités de l'activité à réorganiser, pour appliquer des "standards". Qu'en est-il des avantages concurrentiels potentiels ? On ne le saura jamais.

Après il est aussi juste que la plupart des réorganisations ne visent pas à placer l'entreprise dans un cadre favorisant l'innovation. Plus prosaïquement, seule l'amélioration de la productivité qui se traduit surtout par la réduction drastique des coûts importe.

Et quid du bien-être des salariés pourtant éléments clés de la création de valeurs ? Tout le monde s'en fout. La méthode a été appliquée. Et on débitera les discours du Lean sur le tout le monde participe et autres bidonnages de la même sorte.

Est-ce la méthode qui est critiquable ou la manière de la déployer ?

La réponse n'est pas aussi évidente que l'affirment bien des aficionados des rationalisations extrêmes en matière industrielle. Tant que les cost-killers règneront en maître et que la chasse aux fameux "coûts cachés" sera le ferment des opérations de réorganisation, la question ne se posera pas. À ce sujet lire et relire Kamata Satoshi, L'usine du désespoir, Demopolis, 2008. Pour mémoire :
Les coûts n'existent pas pour être calculés, ils existent pour être réduits. Taiichi Ono

À la décharge des consultants "expéditifs"

Évidemment, descendre sur le terrain, discuter, comprendre... c'est plus difficile et c'est surtout plus long ! Il est plus aisé de venir avec son approche toute faite et de mettre en avant l'accompagnement du changement pour vaincre les réticences comme s'il s'agissait d'une lutte sans merci !
Il faut aussi prendre conscience que le consultant (non indépendant) a des comptes à rendre à sa direction et il n'a pas intérêt à sortir du cadre du projet. Le client d'ailleurs attend de recueillir les fruits de la fameuse méthode...

Objectif des réorganisations radicales du type lean management : bâtir la boîte magique à générer du cash

Il est aussi vrai que l'idée de tout lisser, de tout réguler, de tout aplanir, de simplifier la complexité (comme si c'était possible !), de standardiser au-delà des limites, une approche que l'on retrouve d'ailleurs dans les démarches qualité, fait et fera toujours rêver.

La fiction du Lean et l'entreprise idéale
Légende : Le Lean et l'entreprise idéale. Cliquez sur l'image pour l'agrandir:

Explication du schéma :

Le parfait processus global

À la base de l'organisation des entreprises, industrielles ou non, on trouvera le principe d'inspiration militaire : "je ne veux voir qu'une tête", où tous les exécutants sont tenus d'appliquer les procédures sans rechigner. L'entreprise idéale serait alors une sorte de système automatique où l'on entre les commandes d'un côté et l'on sort les produits de l'autre ; un "système" où chaque heure, chaque minute, chaque seconde sont pleinement exploitées, c'est-à-dire dédiées à l'exclusive production. (Le rapport d'activité à gauche et le chronomètre en haut du schéma.)

Le pouvoir aux gestionnaires

Les formations rapides types "vernis" ne sont pas en reste. Il en est de même pour les trop nombreuses business schools qui, peu scrupuleuses sur la qualité et la rigueur de leur enseignement, se réduisent à fabriquer de purs gestionnaires.
Excel et la "loi du chiffre" ont pris le pouvoir. L'esprit critique est désormais relégué à un lointain cours de philo consacré aux lumières.

Postulat erroné numéro 1 : les salariés sont interchangeables

Étant donné que l'on standardise tant, et plus, que l'on normalise autant les tâches que les formations, que l'on procéduralise à tout va, que l'on impose les supposées "bonnes-pratiques" avec enthousiasme, les femmes et les hommes de l'entreprise ne sont pas considérés comme les créateurs de valeur. Ils ne sont que les rouages d'une mécanique bien huilée (en tout cas sur le papier !) que l'on peut substituer à volonté (le centre du schéma).

L'entreprise a besoin de tous les cerveaux

En effet, nous sommes entrés depuis quelques années dans une autre spirale, celle de l'incertitude et de la complexité. Il faut alors compter sur l'intelligence collective et mettre tous les salariés à contribution, pour innover, puisque c'est la planche de salut. Bref, ce modèle d'entreprise idéale présenté ci-dessus n'est qu'une fiction.

Pourtant, le principe du Lean, c'est bien la coopération... mais très limitée !

Taiichi Ohno avait bien compris que c'était sur le terrain que l'on dénichait les pistes de progrès et justement, en profitant de la connaissance des exécutants. C'est bien pour cela qu'il recommandait chaudement aux dirigeants de "descendre" et de pratiquer le gembawalk" que l'on a déjà évoqué dans le glossaire ci-dessus.

S'agit-il pour autant de coopération ? Au sens des mentalités des années cinquante, où seule régnait la démarche Ford/Taylor mâtinée de management à la Fayol, effectivement c'est une avancée de demander l'avis des exécutants.

Taylor ne disait-il pas "Réfléchir c'est déjà désobéir" ?

Une "coopération" bien cadrée...

Bien évidemment, il ne s'agit pas de leur demander leur point de vue sur telle ou telle orientation stratégique, chasse gardée de la direction ! Plus prosaïquement dans l'esprit "Lean Management" ils ne sont autorisés à suggérer que des pistes d'amélioration très ponctuelle afin d'accroître la productivité, sans autre impact que celui de se charger encore un peu plus la barque.

Les "bonnes idées" de terrain

Satochi Kamata, connu en France pour l'incontournable "L'usine du désespoir", rapporte dans cet ouvrage son expérience au sein des usines Toyota au début des années soixante-dix, époque de splendeur du Toyotisme appliqué. Affecté à la chaîne de montage des boîtes de vitesse, un matin en prenant son poste, il découvre une burette d'huile fixée au-dessus de son plan de travail.
Vidéo Extrait:
"En arrivant au travail, j'ai remarqué un fin tuyau en plastique muni d'un bec verseur qui pendait au-dessus de mon poste de travail. Le chef d'équipe me demande de verser un peu d'huile dans les rouages des boîtes RK et RY.
C'est une opération de plus à effectuer.
Pour ce genre de boîtes, après beaucoup d'efforts, j'y arrive déjà tout juste, et normalement c'est au contrôle qu'on verse l'huile. J'ai décidé de ne pas le faire quand le chef d'équipe ne sera pas à mon côté.
Pourquoi ça ? Parce que c'est un truc qui a été inventé par un type à la recherche de bonnes idées à présenter."

Satochi Kamata "L'usine du désespoir" Demopolis, 2008

Et en Europe, qu'en est-il ?

Dans les années 80-90, les démarches qualité prenaient leur essor en Europe. Cependant, il s'agissait surtout de ne pas trop bousculer les habitudes organisationnelles et managériales bien de chez nous. Aussi, nombre d'entreprises se contentaient de parsemer de-ci de-là des "boîtes à idées" dans les ateliers et les couloirs des bureaux.
Ça ne coûtait pas cher et ça permettait de nourrir la supercherie de la participation à grand renfort de discours aussi creux que ces boîtes. En effet, la plupart restaient vides. On y trouvait quelquefois des bons mots, voire des propos obscènes. Une suggestion apparaissait parfois, mais trop rarement.
Elles n'ont pas duré.

Lire ici un exemple d'un bien meilleur outil : la bourse aux idées.

Ce n'est pas cela la coopération

La coopération c'est tout à fait autre chose. Là avec le Lean, nous sommes tout à fait dans la continuité du taylorisme, comme l'explique Danielle Linhart où il a toujours s'agit de s'approprier la connaissance des professionnels pour la formaliser, la codifier en procédures et se passer desdits professionnels :
Remplacer les "métiers" par des "postes" aux intitulés aussi ronflants qu'ineptes ne vise d'autre but que de dépersonnaliser les professionnels et les rendre ainsi interchangeables

Pour être clair, la coopération c'est au contraire participer activement au devenir de la boîte, contribuer aux choix des orientations et profiter aussi des fruits du labeur. Et c'est d'une vraie coopération que nous sommes en droit d'exiger aujourd'hui.

Bref, les légendes, on les garde pour les enfants. C'est du concret dont on a besoin pour progresser.

Comment amener l'entreprise à poursuivre son évolution vers le stade "Adulte" ?

Au tout début des années 80, William Ouchi avait en substance formalisé à son tour les principes de management du Toyotisme et plus généralement la question de la participation en la présentant comme un prolongement de la théorie X-Y de Mac Gregor.William Ouchi précise que l'implication des salariés doit être impérativement conditionnée par de solides garanties tel l'emploi à vie que pratiquaient alors certaines grandes entreprises japonaises.

Depuis l'emploi temporaire s'est très largement généralisé chez Toyota comme ailleurs et la fameuse théorie Z a du plomb dans l'aile.

Le mépris, éternelle béquille du management

Il n'est que temps d'admettre que ce sont les employés d'une entreprise qui créent la valeur et de les reconnaître et de les considérer comme tels.
Bien évidemment, pour la très large majorité des entreprises, il y a effectivement largement moyen non seulement de partager plus équitablement les bénéfices, mais aussi de profiter des avancées organisationnelles pour non plus accroître la pression, mais bien soulager la tâche des uns et des autres.
Vidéo Malheureusement, le mépris, comme le signalait déjà Hervé Sérieyx dans un ouvrage majeur (Le zéro Mépris) il y a maintenant plus de trente ans, est toujours aussi dynamique dans l'univers du management.

Ils n'avaient qu'à bien travailler à l'école...

Il y a moins longtemps que cela, intervenant en expertise sur un projet lean en déroute, je faisais remarquer au consultant en charge du pilotage que le zéro stock poussé à son extrême tout comme l'accélération des cycles (Takt Time) tels qu'il l'avait prévu, n'étaient pas indispensable et causaient une charge de travail supplémentaire pour les exécutants au vu du type de production.
Faisant fi de mon propos sur les avantages du Slack", il m'avait répondu en souriant, pensant faire un trait d'esprit : "Ils n'avaient qu'à bien travailler à l'école..." Par chance, on a pu le faire remplacer par un consultant plus chevronné.
SongeurSavait-il seulement qu'un professionnel tel un soudeur ou un tourneur tout comme un informaticien doit consacrer plus de dix mille heures de pratique avant de trouver les bons tours de main (Richard Sennett, ce que sait la main, Albin Michel) ?
Quoi que l'on en dise, le Lean, les méthodes agiles et autres concepts du même tonneau n'ont d'autres finalités que d'exploiter au maximum le temps disponible tout en dissociant les créateurs de valeurs des décisions d'orientation. C'est ainsi.

Quand tu vas sur une chaîne de production, c'est pour la magie...

Un trait d'humour involontaire de notre inénarrable ministre de l'industrie de l'époque, reine des "euh" en fin de mots... Une vision de l'industrie totalement idéalisée au point d'avoir fait rire la France entière. C'est aussi et surtout cela le mépris de classe.

En effet, ces "gens d'en-haut" n'imagineraient pas un quart de seconde que leurs enfants se retrouvent sur une chaîne de production, dans le bruit, les odeurs d'huiles brûlées, le travail répétitif et abrutissant, la fatigue physique et mentale, les horaires de dingue puisque l'on est au plein service de la production et tout cela pour un salaire de misère.

Mieux vaut en rire : Voir et revoir la brève vidéo de l'artiste qui exécute son numéro sans filet :

Vidéo J'aime l'industrie parce que c'est l'un des rares endroits où l'on trouve de la "magie"... Le reste vaut son pesant de cacahuètes, il est toujours bon de rigoler un instant...

Traduire le temps disponible en temps utile ? Rien de plus facile !

Entre nous, il n'y a rien de plus facile que d'accélérer les cycles en raccourcissant les temps. C'est dans la continuité de la division du travail chère à Adam Smith et la spécialisation des opérations. C'est la technique mise en oeuvre aux abattoirs de Chicago aux débuts du (ref: la Jungle" de Upton Sinclair), puis reprise avec succès par Henry Ford, c'est le travail à la chaine qui est toujours présent aujourd'hui, qu'elle soit de montage, de découpe de porc ou de tout ce que vous voulez.
Info voir ici l'article sur les cadences de production

Plaidoyer pour introduire un soupçon de démocratie en entreprise

Avant d'envisager l'implantation du Lean Management, il est préférable d'étudier sérieusement la possibilité d'une démarche réellement coopérative.

Si l'on souhaite une issue plus heureuse que les désastreuses radicalisations déshumanisées commises par les apprentis organisateurs, il est indispensable que chacun puisse, sans contraintes aucunes, trouver sa place, donner son avis, que celui-ci soit considéré afin que chacun puisse jouer un rôle actif dans la durée.

N'y a-t-il pas urgence à introduire un soupçon de démocratie en entreprise pour le bien de toutes les parties prenantes ?

Mais alors que faut-il changer ?

Passons en revue quelques-uns des principaux travers des réorganisations trop radicales qui handicapent l'accession à une entreprise "adulte"

La dictature du chronomètre

Les organisateurs qui ne raisonnent qu'en chiffres, le chronomètre à la main, et dont le cerveau ne connaît pas d'autre opération que la soustraction appliquent un peu trop à la lettre les principes du management lean les plus radicaux.
Info À propos du temps exclusivement productif:

Quand la course aux gaspillages vire à l'obsession

Cependant, tous les gaspillages, pour un oeil extérieur, n'en sont pas nécessairement si l'on considère le processus de création de valeur, non pas dans sa représentation PowerPoint®, mais bien dans sa réalité :
Conseil du sage À trop chercher à éliminer le "gras excédentaire", les "spécialistes du lean" et la direction obnubilée par les économies rapidement réalisées ont conduit tout droit une entreprise à sa perte : voir ici : une rationalisation des processus bien trop radicale.
Lire aussi cet article publié sur le site du journal les Échos : lesechos.fr.

Les principes du toyotisme bâclés

Enfin, on ne peut pas mettre en place un système lean, et ce quel que soit le domaine d'intervention, sans se référer aux principes du toyotisme. Ils sont fondamentaux.
Le principe 13 prônant un principe de décision collective longuement réfléchi et par consensus ainsi que le principe 14 posant les bases d'une organisation apprenante sont généralement oubliés des démarches lean sur le terrain. Ce sont en effet les plus délicats. Ils exigent une réforme culturelle et une remise en cause des hiérarchies traditionnelles. Ces deux principes sont pourtant l'une des principales clés de la réussite du projet dans la durée.

Ce sont d'ailleurs ces aspects qu'il s'agit de moderniser drastiquement. Au contraire, le management actuel se maintient dans une logique rétrograde au lieu de dynamiser la prise effective de décision en équipe.

La principale erreur des concepteurs de système "Lean"

L'erreur majeure de bien des concepteurs de système Lean, c'est d'avoir totalement perdu de vue la "philosophie" de Taiichi Ohno. Quant à leur demander de l'actualiser, nous en sommes encore à des années-lumière.
En effet, le but de la démarche, ce n'est pas uniquement de se focaliser sur la réduction des coûts, même si au sens de Taiichi Ohno, c'est une préoccupation majeure.
Ce n'est pas cela qu'il faut viser.
Le but à poursuivre est un peu plus délicat que cela. Il s'agit en effet de fabriquer uniquement ce qu'il faut, comme il faut, quand il le faut et pas plus. C'est-à-dire parvenir à une parfaite maîtrise des flux.
C'est le "flux" qui est important et c'est cela qui est le plus difficile à maîtriser, comme le relève à juste titre Eliyahu Goldratt (connu en France pour son best-seller : "Le but" (disponible en français aux éditions "Afnor")).
Le risque est de se focaliser sur l'amélioration de certaines activités du processus sans considérer le flux pris dans son ensemble. Cette approche contre-productive est souvent le fruit de l'obsession de la réduction des coûts...

Attention aux productions complexes !

Le Lean Manufacturing est surtout adapté aux grandes productions assez régulières telles que la fabrication automobile, origine de la démarche. Pour des productions plus complexes, des séries non répétitives, des productions ponctuelles et temporelles, et ce ne sont là que quelques exemples de complexité en matière de production industrielle, il faudra faire preuve d'un certain discernement pour ne pas risquer de créer du désordre en pensant instaurer l'ordre...

Le grand oublié : le bien-être au travail

Nous aurions aussi pu citer de nombreux exemples dévoilant la détérioration du bien-être au travail. Si les gains sont rapidement perceptibles, les effets pervers de l'inévitable dégradation du bien-être au travail ne sont ressentis qu'à bien plus long terme.
Lire ici, un premier exemple vécu Le lean sur le terrain, l'envers du décor.

Voir aussi sur le site de l'ANACT, l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail, les travaux autour des risques du Lean et du toyotisme.

L'envers du décor de l'autocontrôle

Si l'autocontrôle est une manière d'accéder à l'autonomie et à la responsabilisation pleinement assumée en théorie, ce gain de liberté n'est pas sans effets pervers. Il peut se retourner contre les individus eux-mêmes et mettre à mal la cohésion de l'équipe. En effet, la course aux objectifs, le plus souvent motivée par une prime, entraîne bien des comportements peu coopératifs.

Souvent, les individus les plus motivés pour atteindre les objectifs sont prêts à faire des concessions sur leurs avantages, le temps de travail par exemple. Ils exigent les mêmes efforts de tous ceux qui ont d'autres priorités, d'autres contraintes, et ne sont pas nécessairement aussi motivés.

Une ambiance particulièrement délétère règne alors, fort éloignée de l'idée du bonheur de travailler en équipe autonome et responsable. Comme l'exprime à juste titre Jean-Robert Viallet dans le documentaire :

  • "La Mise à mort du travail"  À voir sur Youtube.
  • Extrait :
    La prime d’équipe dépend de la capacité de chacun à se dépasser. Un seul ouvrier qui travaille moins bien est un maillon faible pour les autres. Voilà comment la prime par équipe fait de chacun le contrôleur de son collègue.

La sous-traitance, la principale victime des réorganisations sauvages

Les sous-traitants subissent d'une manière encore plus violente ces réorganisations conduites tambour battant sans tenir compte du bien-être social.

Annie Thébaud-Mony, sociologue, a réalisé un long travail de terrain dans le monde de la sous-traitance publié à "La Découverte".

Travailler peut nuire gravement à votre santé
Annie Thébaud-Mony précise : "Les choix d'organisation du travail relèvent des "décideurs" et "managers", à qui incombe la responsabilité d'abaisser constamment les coûts et qui sous-traitent le travail et ses risques. En bout de cascade de la sous-traitance, les figures de l'intérimaire et de tous les travailleurs "invisibles", en France ou ailleurs, témoignent d'un retour à l'insécurité et à l'indignité : à des formes modernes de servitude."

Standardisation : on ne résout pas tout avec des règles et des procédures...

Ce n'est pas la justesse des normes, des procédures et des règles établies qui assurent le bon fonctionnement d'une entreprise, quels que soient sa taille et son secteur d'activité.
Non. Une entreprise fonctionne bien essentiellement grâce à la prise d'initiative silencieuse des salariés et à la qualité du tissu relationnel que chacun d'entre eux entretient au-delà des définitions des fonctions et de l'organigramme.
La course à la bureaucratie qu'engendre l'avalanche de normes, règles et procédures est toujours contreproductive. Motivé par le besoin de contrôle, le développement de la bureaucratie comme le dénonçait déjà le regretté David Graeber (Bureaucratie, les liens qui libèrent) ne va pas vraiment dans le sens d'un développement de la démocratie en entreprise et c'est peu dire !

Conseil du sage Il n'est pas prudent financièrement parlant (puisque l'accroissement du profit est la finalité d'une entreprise, ne nous trompons pas), de laisser se dégrader l'enthousiasme et la volonté de bien faire son travail qui animent la très large majorité des salariés.

Et ensuite, une fois que l'on a franchi le Rubicon des méthodes organisationnelles traditionnelles aussi autoritaires qu'inefficaces, on prend conscience que la standardisation des pratiques n'est pas la panacée dans une époque où les économies d'échelle n'ont plus leur place et que c'est l'innovation et l'originalité qui font la différence.

On ne jette pas le bébé avec l'eau du bain

Dans une société idéale, on ne jette pas les méthodes, on les met à notre service. Les salariés sont tout à fait en phase pour que leur entreprise génère un profit durable. C'est une évidence, encore faut-il s'en souvenir.

On nous répète depuis des décennies que la seule planche de survie dans un monde hyperconcurrentiel et sans frontières (pour la finance en tout cas), c'est l'innovation.
Effectivement.
La course aux prix bas grâce à la pression sur les salariés à encore de trop nombreux adeptes, bien que la partie soit faussée par la mondialisation. Cependant, c'est par le haut que l'on s'en sortira et pour y parvenir, la contribution de tous est indispensable.

Mais cela, toute personne sensée le sait.
Il ne suffit pas de le dire. Encore faut-il agir en ce sens. Et seule une approche démocratique où l'on pourra (enfin !) dépasser la relation: soumission/dominant propre à la hiérarchie d'entreprise.

Les coopératives ont déjà ce principe démocratique dans leur statut. Il est tout de même assez symptomatique que l'on en parle aussi peu dans les médias.

Conseil du sageUne bonne entreprise se doit de conjuguer profit et bien-être des salariés Ça ne se fait pas tout seul. Les théories de Milton Friedman, invitant les dirigeants à ne se préoccuper que de la maximisation du profit comme unique morale de l'entreprise, a fini par faire des petits. Bien des concepteurs de systèmes de Lean Management ne se sentent guère concernés par cette exigence et déclinent donc les principes du toyotisme dans une dimension unique : l'accroissement du profit.

L'ennemi n°1 du management des projets complexes: le directivisme

Le vrai problème se loge aux tréfonds des principes managériaux des entreprises en vigueur depuis plus d'un siècle : toutes les réorganisations, sans exception aucune, sont toujours imposées du haut vers le bas, en mode top-down.

Les deux postulats qui règlementent la vie en entreprise :

  • 1 Ceux "d'en haut" savent ce qu'il faut faire par principe. Ils ont les chiffres sous les yeux (reporting et autres documents comptables...) et ça leur suffit.
    songeur En effet, l'indispensable gembawalk se résume la plupart du temps à un rapide passage en revue des troupes pour inspection en lieu et place d'un échange constructif hors hiérarchie, c'est-à-dire avec écoute et considération.
  • 2 De toute façon, ceux "d'en bas" n'ont qu'à exécuter. C'est leur rôle. C'est le principe de l'entreprise.
    songeur Les salariés sont contractuellement tenus de suivre impérativement les consignes prescrites par les consultants, appliquer les procédures, respecter les normes et au final, se débrouiller avec leur "bite et leur couteau" pour résoudre les problèmes et assurer la création de valeurs.

Si la réorganisation, la démarche lean management en l'occurrence, se passe mal, que décident la direction et les organisateurs ?

  • 1 Il faut faire preuve de "pédagogie" ! ( Autrement dit, exceller dans l'art et la manière de prendre les autres pour des ineptes : s'ils ne sont pas d'accord, c'est qu'ils n'ont pas compris).
  • 2 Il faut maîtriser "l'accompagnement du changement ! (En d'autres termes, il s'agit de persuader les salariés que : "c'est normal de ne pas être d'accord au début vous verrez, ensuite on accepte tout, c'est la nature humaine...")
    Prospection Se référer notamment aux courbes du deuil, de Kübler Ross, à la rengaine sortir de sa zone de confort" et autres théories plus ou moins fumeuses pour faire avaler la pilule de gré ou de force...
  • 3 On recourt à l'autoritarisme, il n'y a pas à discuter ! Le contrat de travail impose en effet un lien de subordination entre le salarié et l'entreprise. Il s'agit d'obéir aux directives imposées par son supérieur au risque de commettre une faute grave.
L'entreprise traditionnelle est aux antipodes de la démocratie et le pouvoir est toujours associé à des moyens de coercition plus ou moins violents pour les récalcitrants : mise au placard, déclassement, mise à pied, licenciement, liste noire...
Aussi, si la "pédagogie" ne suffit pas, vous savez à quoi vous attendre...

Et la bienveillance ? Vous en faites quoi ?

Quand on pense que nous en sommes encore à tenter de modérer le caporalisme intrinsèque au management avec des thèses (à succès !) sur la bienveillance en entreprise ("tapez pas trop fort chef"), des thèses qui fleurent bon le paternalisme d'ancien régime  et qui ne sont que des marques de mépris ! De toute évidence, on a pris la route du progrès managérial en sens inverse !
Quant au "bonheur au travail", le sujet a déjà été suffisamment démonté sans qu'il soit nécessaire d'en remettre une couche.
Vidéo Au sujet du bonheur au travail, les "Charlots" avaient déjà tout expliqué il y a plusieurs décennies : Merci patron !
Et après, sans rien changer, on s'imagine que l'on va parvenir à profiter de l'intelligence collective... Quelle farce !

Mais alors que faut-il faire ?

Ce n'est pas compliqué... Pour le principe en tout cas. (Dans les faits, c'est une autre paire de manches !)
Il s'agit purement et simplement de réformer non seulement les structures, mais aussi les relations dans l'entreprise afin de combattre : 1 le mépris et 2 le directivisme.
Les deux sont concomitants.

Ensuite on peut travailler à des formes de progrès social plus démocratiques et par conséquent plus enclines à dynamiser l'innovation et à attirer les meilleurs.
Une fois que l'on a délaissé le caporalisme, hard et soft, on peut alors s'efforcer de créer les conditions d'une réelle participation : coopération pour la définition de la stratégie, prise de décision répartie et collective avec notamment le choix des objectifs de performance (Gimsi®) par ceux qui devront les suivre...

Pas de secret, la confiance et la reconnaissance en sont les deux clés comme le démontre l'ouvrage (fort mal titré malheureusement) : Les Tableaux de bord du manager innovant, 7 étapes pour décider en équipe.

Ce sont là les fondamentaux d'une véritable coopération pour un jeu gagnant gagnant sans duper qui que ce soit.
Truc de pro Ce n'est pas de la fiction. C'est le sujet du livre "La transformation démocratique de l'entreprise" où je relate la mise en place de ces quelques principes, autour du lean justement.

Ni béni-oui-oui ni bisounours

Après si nous ne sommes pas des béni-oui-oui nous ne sommes pas non plus des bisounours.

Entrons plus dans le détail de la réorganisation

Bien évidemment, il est plus qu'important de fluidifier les processus autant que faire se peut afin de mieux servir les clients et résister à la concurrence.
C'est incontournable. Il faut donc s'APPROPRIER les outils pour les mettre à notre service, le PDCA et le Kaizen en tête.
...Et réinventer la mesure de la performance qui ne peut perdurer à être un outil de contrôle alors qu'il s'agit d'un instrument de mesure du progrès pour tous.

PDCA

Bien entendu, ce principe de réorganisation ne s'envisage pas comme un nouveau schéma à plaquer une fois pour toutes sur les structures de l'entreprise. Toute la philosophie du lean réside dans le principe fondamental d'amélioration continue. On progresse par étape dans une logique PDCA, en référence la roue de W.E.Demings, Plan, Do, Check, Act.

La réussite du projet repose essentiellement sur la capacité à mesurer précisément le progrès selon les objectifs de performance que l'on s'est fixés.

Le management, un long passif de paradoxes

Des études critiques, il en existe c'est sûr. Bien des sociologues de renom se sont penchés sur les travers du management, tels que James March, Michel Crozier, Luc Boltanski, François Dupuy, Marie-Anne Dujarier, Dominique Meda, Danièle Linhart, Vincent de Gaulejac et bien d'autres.

Leurs travaux critiques sont à lire impérativement tout comme les écrits des psychologues du travail tels que Christophe Dejours ou Yves Clot pour mieux comprendre les impacts des méthodes telles qu'elles sont appliquées sur les corps et les esprits de tous ceux qui les subissent au quotidien.
Tous ceux qui prennent le temps d'observer et d'écouter avec attention ceux qui produisent la richesse ne seront pas surpris par les résultats de ces enquêtes sociologiques, mais comme dit le dicton populaire, cela va toujours mieux en le disant.

Ne pas perdre de temps et aller plus avant du constat

Ensuite, il faut plus avant. Il faut donner les bases d'une réforme d'un management totalement anachronique et de fixer les étapes pour parvenir à un régime démocratique qui est tout de même un minimum au sein d'organisation du vingt-unième siècle où la majorité d'entre nous y passent les trois quarts de leur vie. C'est le sujet de l'ouvrage "La transformation démocratique de l'entreprise", présenté ci-après.

Quelques paradoxes parmi tant d'autres

  • 🙄 On rêve d'innovation, de prise d'initiative et d'intelligence collective et l'on s'obstine à standardiser
  • 🙄 on encense la coopération et l'on mesure la performance individuelle
  • 🙄 on déplore le manque de pro-activité et l'on concentre la prise de décision dans quelques mains, loin du terrain et loin des réalités.
Il n'y aurait pas comme un sacré bémol ?
Pour la petite histoire, le constat n'est pas neuf, tant s'en faut. C'est sur cette prise de conscience que s'est construite la méthode Gimsi promouvant la prise de décision répartie il y aura bientôt 30 ans (la première édition des "Nouveaux tableaux de bord des managers" est sortie en 1998 (Eyrolles)).

Plus ancien encore : En 1975, Steve Kerr, qui sera plus tard responsable du développement chez Général Electric avait publié un papier dans la HBR (Harvard Business Review) titré : "À propos de la folie de récompenser A alors que l'on espérait B" “On the Folly of Rewarding A, While Hoping for B.” . Son étude ne porte pas que sur l'entreprise et aborde la plupart des secteurs d'activité, politique, médecine, université, écologie (et oui !)
Source : On the Folly of Rewarding A, While Hoping for B

De la démocratie en entreprise

À propos de paradoxe, un extra-terrestre en visite dans notre beau pays de France ne manquerait pas de trouver particulièrement extravagant que la démocratie soit une évidence partout dans notre société SAUF dans les entreprises ! Nous y passons pourtant les trois quarts de notre temps !
Pourtant ne serait-ce que du point de vue économique, en un contexte économique difficile à maîtriser comme le nôtre actuellement, il est incompréhensible de ne pas considérer comme des partenaires à part entière tous ceux qui font marcher l'entreprise.
La démarche proposée dans cet ouvrage se déroule en trois temps :
  • Temps 1: décliner la méthode organisationnelle du moment, lean ou autre, en étroite coopération avec ceux qui devront l'assumer au quotidien. C'est une garantie de réussite
  • Temps 2: Exploiter les ressources du Kaizen pour une nouvelle définition de la notion de performance bien plus large, intégrant au premier plan le confort et le bien-être de tous.
  • Temps 3: Dix jalons pour changer les états d’esprit afin que la prise de décision collective et la coopération à tous les niveaux deviennent des évidences pour tous.
  • Sources, références et bibliographie commentée.
Tableaux de bord du manager innovant, le livreLa transformation démocratique de l'entreprise
Pour en finir avec le mépris, principe délétère du management d'hier et d'aujourd'hui

Alain Fernandez
Editeur : Mimismo
Pages : 350 pages
Prix : 19,90 Euros
EAN : 978-2959320422

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‘Voir Présentation détaillée du livre "la transformation démocratique de l'entreprise"
Truc de pro En prime avec ce livre, gratuitement et réservé aux lecteurs, l'ebook "le dictionnaire du lean" au format pdf.

Faciliter la prise de décision à tous les niveaux

Il n'est que temps de partager le pouvoir et de décentraliser la prise de décision au plus près du terrain, là où se trouve l'information, là où l'action est possible. Encore faut-il au préalable réformer en profondeur la "mesure de la performance" pour qu'elle soit au service des décideurs et non des gendarmes de l'entreprise.
Ensuite, c'est la "prise de décision en équipe" qu'il s'agit de dynamiser afin de bâtir des organisations aussi pro-actives que respectueuses des créateurs de valeurs que sont les salariés. C'est là l'objet de ce livre qui présente en seconde partie la méthode SOCRIDE, expliquée et illustrée de cas concret.

  • Partie 1: Réformer la mesure de la performance pour qu'elle soit un instrument de progrès et d'aide à la décision pour tous et non plus un absurde instrument de contrôle et de compétition individuelle.
  • Partie 2: 7 étapes (SOCRIDE) pour mettre en oeuvre une prise de décision en équipe pleinement assumée.
Tableaux de bord du manager innovant, le livre Quand les équipes de terrain s'engagent et prennent les décisions responsables : la méthode SOCRIDE
Alain Fernandez
Editeur : Eyrolles
Pages : 320 pages
Prix : 25 Euros
EAN : 978-2212569285

Pour acheter ce livre :

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L’auteur

Alain FernandezAlain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l’aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a conduit et accompagné de nombreux projets d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
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