Pour mieux saisir la problématique bien spécifique du pilotage de l'entreprise industrielle actuelle, il n'est pas inutile de revenir une bonne trentaine d'années en arrière.
À cette époque, l'automatisation, la robotisation et l'informatisation globale et généralisée apparaissaient comme la solution universelle à tous les problèmes de production, et de rentabilité bien entendu.
Bien des chefs d'entreprise rêvaient alors de "l'usine sans homme", une usine à flux tendu sans jamais la moindre interruption.
Ils étaient alors exactement dans le même état d'esprit que les industriels et économistes du tout début du vingtième siècle : La capacité d'absorption des produits industriels est infinie et seule la réduction des coûts de production importe. Les économies d'échelle étaient donc la seule règle à suivre.
Au cours des années 80, la course à la réussite passait nécessairement par l'amélioration de la productivité. Dans l'esprit de l'époque, toutes les tâches du processus de production étaient automatisables et devaient être automatisées.
Les systèmes réalisés dans cette optique atteignaient un niveau de complexité fragilisant l'ensemble et interdisant toutes formes d'imprévus. Ainsi, ces systèmes de maintenance délicate n'ont pas été conçus dans un esprit de flexibilité.
On parlait beaucoup, il est vrai à cette même époque, de l'atelier flexible, mais il s'agissait là aussi d'une flexibilité contrôlée et prévue dans les bureaux d'études, bien loin des contraintes réelles du marché des années 90s et du terrain.
Cette vision où tout était prévisible, programmable et automatisable ne s'est pas limitée au niveau de la production. Un concept d'intégration globale, le CIM (Computer Integrated Manufacturing) alimentait les conversations. Toutes les ressources informatiques de l'entreprise devaient être connectées afin de faciliter l'automatisation globale de l'usine.
Le concept d'intégration et d'automatisation du CIM était tout à fait dans la lignée de l'O.S.T (Organisation Scientifique du Travail) et de ses désirs de rationalisation extrême. Pour l'O.S.T, tout travail peut être décomposé en tâches élémentaires. Il suffit ainsi d'automatiser toutes les tâches élémentaires et de remplacer l'homme à tous les niveaux.
La complexité des systèmes réalisés dans cet esprit induit de nombreux inconvénients, notamment :
Mais voilà, le contexte économique est complexe, et ce n'est pas en figeant les processus dans le marbre que l'on parvient à naviguer en un tel environnement. L'usine sans homme a vécu. Il en sera de même des élucubrations des inconditionnels de l'intelligence artificielle qui semblent revivre le même rêve de remplacer les femmes et les hommes de l'entreprise par des robots...
L'entreprise "reconfigurée" ne peut se passer de l'homme, pilote de la complexité. L'automatisation et l'informatisation retrouvent leurs lettres de noblesse en étant AU SERVICE des femmes et des hommes. le constat n'est pas neuf :
L'homme peut s'adapter à des situations nouvelles. Or, la capacité d'adaptation ne dépend pas seulement de l'expérience passée mais aussi de la largeur de vue. C'est même ce qui distingue l'homme de la machine. La machine travaille avec plus d'exactitude que l'homme mais, au contraire de par celui-là, elle est incapable de s'adapter à un genre de travail différent. Il faut jeter la ferraille et la remplacer par une autre. Mais personne ne songe à renvoyer les ouvriers parce que l'on a décidé d'adopter un outil nouveau ou une nouvelle méthode de travail. L.CHAMBONNAUD
Cette remarque délivrée ici à titre anecdotique date de 1918.
Dans l'entreprise industrielle, le rôle de l'équipe de terrain est étendu. À la conduite proprement dite de l'équipement industriel se greffent les besoins de suivi et de contrôle de production temps réel (flexibilité oblige).
Pour naviguer efficacement en terrain complexe et incertain, pour mieux affronter les inévitables imprévus, encore faut il répartir le pouvoir de décision auprès des acteurs de terrain.
Une analogie avec la conduite d'un véhicule automobile : il ne s'agit plus uniquement de piloter l'engin, il faut aussi décider quel chemin il sera souhaitable d'emprunter pour aller de A à B. Quelles que soient les conditions de parcours, il faudra se rendre au terme du chemin en temps et au moindre coût.
Ce thème était déjà le sujet du livre Les nouveaux tableaux de bord des managers, dont la première version date de 1998 (Les nouveaux tableaux de bord pour piloter l'entreprise).
Cette étude a été complétée en 2018 avec le livre "Les tableaux de bord du manager innovant" qui pousse plus avant l'étude de la prise de décision en équipe de terrain autonome.
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Pilotez donc au lieu de contrôler !...
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