Une personne qui ressent la qualité au cours de son travail est une personne qui s'en soucie. Une personne qui se soucie de ce qu'elle voit et fait est une personne qui forcément détient certaines qualités. Robert M. Pirsig.
La qualité, ce n'est pas simplement une discipline du management de l'entreprise enserrée dans un carcan de normes absconses. La qualité, c'est avant tout en état d'esprit, celui du goût du travail bien fait, de la fierté de ses réalisations.
Nul besoin de construire une nouvelle pyramide, fut-elle du Louvre, pour ressentir ce sentiment profond proche de l'extase (un concept qui ne déplaira pas aux adeptes de la psychologie positive).
Un boulanger peut être fier de sa baguette, un mécanicien tourneur de la précision de sa pièce, un informaticien de la qualité de son codage... Chacun peut compléter cette liste. Hormis les désormais célèbres bullshit jobs, on a tous un rôle à jouer et on apporte tous notre part au processus de création de valeur.
Pour mieux saisir la substantifique moelle de cette notion complexe et universelle à la fois, commençons par une anecdote vécue, suivie d'une critique de la qualité en entreprise et poursuivons avec un incontournable, Le traité du Zen et de l'entretien des motocyclettes de Robert M. Pirsig.
Un soir, à la fin d'un séminaire, au moment où l'on laisse flotter son esprit en rêvant au bon demi que l'on ne manquera pas de s'offrir au bar du coin afin de se réhydrater les muqueuses en voie de dessiccation, une auditrice me posa cette question :
« Pour vous, c'est quoi la qualité ? »
Était-ce la fatigue de la journée ? En tout cas il n'en fallait pas plus pour déclencher mon vieux réflexe pavlovien. Et, tout en rassemblant mes feuilles éparses, me voilà reparti à dérouler l'historique de la variabilité des processus :
"Vous savez, on peut situer les débuts de la qualité moderne aux alentours des années vingt lorsque Walter Shewhart commença à travailler sur les diagrammes de contrôle..."
Et j'ai démarré comme une machine automatique, Juran, Crosby, Deming et le TQM, la qualité totale, je lui ai tout passé en revue. Si je n'avais pas levé les yeux pour la regarder de face, je lui servais dans la foulée la genèse de 6 Sigma. (Note : les noms cités sont référencés ici).
J'ai alors fait deux constatations d'importance qui ont stoppé net mon speech :
Et elle avait raison !
La qualité ce n'est pas des définitions, des normes, des procédures, des règles à suivre impérativement. Non. La qualité, c'est quelque chose de bien plus subtil, c'est un état d'esprit.
Et cet état d'esprit, on l'a ou on ne l'a pas. C'est le sens du travail bien fait. C'est le plaisir de construire quelque chose de durable et de partager sa passion. C'est quelque part un retour vers l'artisanat, le vrai, celui ou l'on aime son métier et l'on est fier que les clients apprécient l'oeuvre réalisée.
Bien qu'elles se soient sérieusement améliorées depuis les toutes premières versions, les normes qualité type ISO ne peuvent en aucun cas être la seule concrétisation de la qualité. Il s'agit d'une notion bien plus complexe. Les normes portent un lourd héritage de démarche sous contraintes. Elles éloignent irrémédiablement le qualiticien tout comme l'ensemble des professionnels de l'entreprise de l'essence même de leur métier.
Après la publication des toutes premières normes ISO (1994), une équipe de farceurs américains seraient parvenus à faire certifier les processus d'une entreprise qui fabriquaient des scaphandres en béton. Le cahier de procédures était complet et à jour et cela avait suffi à l'auditeur.
En définissant par règle la notion de "perfection", le travailleur ne peut plus exprimer son sens du travail bien fait puisqu'il lui suffit de rester conforme auxdites règles.
Là, on atteint d'ailleurs le paroxysme de cette déformation de la notion qualité avec Les "Prix d'Excellence". C'est ainsi que sont fort pompeusement dénommés les concours Qualité tels que EFQM ou Malcolm Baldrige, et toutes les déclinaisons régionales. Leurs promoteurs tentent ainsi de laisser entendre qu'il existerait un modèle d'organisation idéal pertinent pour toutes les situations.
Bien que, évidemment, cette assertion ait été maintes fois contredite, ils persistent à colporter cette légende de l’organisation idéale par le respect des règles (rebaptisées "bonnes pratiques") instaurées par des personnes bien loin du terrain et des spécificités de chaque entreprise, annihilant la volonté de chaque salarié(e) d'exprimer pleinement sa maîtrise.
Donc effectivement, cette auditrice a entièrement raison. Elle ne voulait pas que je lui conte le storytelling en vigueur dans depuis déjà trois bonnes décennies. Ce qu'elle cherchait plus prosaïquement et plus subtilement, c'est ce que chacun d'entre nous devrait chercher, qualiticien ou pas. Elle attendait de moi que je l'éclaire non pas une fois de plus sur la notion de qualité dans sa dimension de quête de standardisation et de conformité dont on nous rebat les oreilles dans le monde de l'entreprise mais bien dans toute sa dimension, philosophique ou humaine pourrait-on dire.
Et c'est bien là ou le qualiticien a un rôle à jouer. Partager le goût du travail bien fait, inciter les professionnels à s'exprimer et à oeuvrer ensemble pour bâtir quelque chose de solide de durable.
Sur un chantier, trois maçons sont occupés à la même tâche. Un curieux questionne le premier maçon :
"- Que faites-vous ?"
"- Eh bien, ça ne se voit pas ? Je pose des pierres !"
Le même curieux pose la même question au deuxième maçon qui lui répond :
"- Je construis un mur"
Il questionne enfin le troisième :
"- Moi, je bâtis une cathédrale !"
C'est donc là le rôle du qualiticien, convaincre les professionnels qu'ils ne se contentent pas d'exercer leur métier en appliquant les bonnes procédures, mais bien qu'ils sont en train de bâtir une cathédrale !
S'il existe un incontournable sur ce thème, c'est bien Le traité du Zen et de l'entretien des motocyclettes de Robert M. Pirsig. Ce livre n'est ni une formation au Zen et encore moins un cours de mécanique mais bien une fantastique réflexion à propos de la qualité dans toutes ses dimensions.
L'auteur a choisi ce titre en forme d'hommage au livre de référence : Le Zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc de Eugen Herrigel. Il est aussi fortement influencé par les écrits du dernier grand savant universel Henri Poincaré.
En deux, trois mots, ce roman, car il s'agit bien d'un roman, relate une traversée des Etats-Unis à moto d'un père et de son fils un peu à la manière des histoires que se contaient les pionniers le soir à la veillée. En substance, l'auteur propose une redécouverte de l'esprit qualité dans tous les domaines.
Cette redéfinition de la qualité repose sur l'humain, ses émotions, sa sensibilité et sa subjectivité, et débouche nécessairement sur une forme d'expression artistique. Ce livre a rencontré un immense succès international. Il est simplement dommage que la traduction française soit plus qu'approximative. Il est d'ailleurs bon de le lire avec l'original anglais pas trop loin des yeux, Zen and the Art of Motorcycle Maintenance: An Inquiry Into Values .
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