Quand la fatalité s'abat sur le projet
Le déroulement d'un projet ne s'exécute pas toujours tel un long fleuve tranquille, tant s'en faut. Les inévitables imprévus ne tarderont pas à perturber les plans les mieux ficelés. C'est là le fruit amer de la complexité. Seulement, quand les impondérables se multiplient à l'infini on peut alors se poser la question de la fatalité.
Au programme : exemple concret de dérive d'un projet et conseils pour l'analyse des risques.
La poisse au coeur du projet
La fatalité, on ne peut ne pas y croire. Il ne s'agit en aucune manière de mauvais oeil. Plutôt des probabilités défavorables. Le hasard ne fait pas toujours bien les choses et parfois les mauvaises surprises s'enchaînent les unes après les autres.
De toutes manières, quand le manque de bol colle au projet, comme de la poix, on parle justement de poisse, il et bien difficile d'en prendre son partie et de conserver son indispensable optimisme. La déprime guette les esprits les plus solides.
Que va-t-il encore se passer aujourd'hui ? Ce n'est pas avec l'angoisse au ventre que l'on réussit les projets, nul besoin de démonstration.
La fatalité a bon dos !
Après, il ne faut pas tout mettre sur le dos de la malchance. Trop facile !
Une
analyse de risques conduite à l'emporte-pièce est aussi un bon moyen de s'empêtrer dans des imprévus qui pourtant... étaient prévisibles !
Il en existe des pleurnicheurs qui s'imaginent touchés par la malchance et évoque un coup du destin pour justifier leur échec alors qu'ils ont purement et simplement foiré le travail de préparation! Ou qui ne savent pas communiquer, et n'ont aucune idée des effets pervers de la rationalité limitée sur la prise de décision.
Un exemple concret de projet marqué par la poisse
Terry Gilliam s'était lancé dans la réalisation d'un film sur Don Quichotte avec Jean Rochefort et Johnny Depp mais il n'a pas put le terminer
Pourquoi ?
- La poisse.
Et là, question poisse, il a plutôt été servi !
Tous les matins, une nouvelle tuile lui tombait dessus. Avec pour finir, cerise amer sur le gâteau, l'acteur vedette, Jean Rochefort en l'occurence, se blesse en chutant de cheval et tarde à s'en remettre. C'en était trop.
Ceux qui tiennent les cordons de la bourse
D'autre part, Terry Gillian est aussi connu pour ses dépassements de budget inconsidérés. Le cas du tournage du film
"Fisher King" est cité dans les écoles de cinéma comme l'exemple à ne pas suivre (bien que le film se soit avéré plus que rentable).
Non seulement il était marqué par la poisse mais en plus les producteurs étaient prêts à lui couper les robinets à la première occasion. Ce qui n'a pas manqué de se réaliser.
Le dictat des budgets est valable pour tous les projets
Tous ceux qui ont conduit des
projets un poil complexe savent pertinemment que le couperet du blocage des budgets pèsent sur eux comme une épée de Damoclès. Il ne suffira pas de se lancer dans une danse du ventre effrénée pour charmer le DAF. Les chiffres parlent d'eux-même et aujourd'hui plus que jamais.
Le DVD du tournage
Le tournage de cet échec a été filmé.
C'est un bon exemple pour montrer comment un projet peut partir en sucette lorsque la poisse s'en mêle. On peut toujours se jeter à la tête les responsabilités et mettre en cause la déficience des analyses de risques, mais lorsque la poisse est là, elle est là.
Référence du DVD : Lost in la Mancha de Keith Fulton et Louis Pepe.
Voir aussi :
Une analyse de risques bien conduite
La poisse a souvent bon dos et ne doit pas justifier toutes les erreurs du chef de projet. Une bonne analyse de risques permet de limiter quelque peu son impact.
Mais parlons un peu de l'analyse de risques. Comment la conduire, que peut-on insérer comme élément sensible à surveiller ?
C'est là où il s'agit d'être particulièrement pertinent puisque l'exhaustivité n'est pas de ce monde.
Postulat de départ,L'analyse de risques n'exempt pas le chef de projet de ses responsabilités
Ce n'est ni un parapluie pour se protéger des risques minimes ni un paratonnerre pour éviter les catastrophes. Aussi, le chef de projet devra en tenir compte et
prendre ses responsabilités. C'est à dire ne pas se sentir protégé et gardez le nez au vent, le compas sous les yeux et la longue vue sous la main, aux aguets.
Métaphore : À titre de comparaison, il s'agira de ne pas se comporter comme tous ces décérébrés, nourris aux discours marketing sur la sécurité dite "active", et qui, sous prétexte de disposer d'un ABS, foncent comme des malades sur les routes, vous collent à la roue, et s'amusent à freiner au dernier moment aux passages cloutés lorsqu'ils sont en ville. Ils se sentent puissants, surs d'eux et maîtres de leurs engins. Quelle erreur !
Eh! bien, L'analyse de risques c'est un peu la même chose...
Deux contre-exemples pour mieux comprendre la teneur d'une analyse de risques
Elle n'est pas là pour remplacer les règles élémentaires de management de projets.
Considérons deux exemples concrets, pas récents (les protagonistes auront oubliés) mais réels:
Situation numéro 1 : lancement d'une nouvelle tranche d'un projet d'ERP dans une grosse PME sous-traitante d'un équipementier aéronautique.
La PME profite de cette phase pour remplacer un matériel vieillissant.
-
Euh... Au fait on est sûr que le matos sera livré avant le 15 ? J'ai mobilisé l'équipe pour cette date, ce serait un peu la pagaille s'il n'était pas livré !
- Tu as fait l'analyse de risques ? Et bien ! Mets-y ce cas. Comme ça tu seras tranquille.
Cela ne valait peut-être pas le coup de talonner le fournisseur afin qu'il respecte le délai ? De s'assurer bien à l'avance de sa ponctualité ? Et s'il ne peut pas le tenir qu'il le dise tout de suite ?
En tant que Chef de projet on assume et on sait élever la voix quand il le faut.
Situation numéro 2 : Démarrage d'une nouvelle unité au sein d'une entité d'un grand groupe de l'industrie chimique.
-
T'as vu ils ont affecté MB sur le projet. On a bouffé ensemble ce midi à la cantine, il m'a dit qu'il était déjà débordé et qu'il ne sera jamais prêt à temps.
Alors, je fais quoi ? Je mets ça dans l'analyse de risque ?
-Tu as raison. C'est plus sûr !Mais non ! Pas du tout ! L'analyse de risques n'est pas un fourre-tout !
Il faut régler ce problème au préalable
Si MB sait déjà qu'il ne disposera jamais d'assez de temps on peut lui faire confiance ! Il est tellement rare que l'on aille plus vite que prévu, il y a bien plus de chances qu'il ne soit pas du tout disponible. Il faut donc dans ce cas reprendre la question des affectations.
Voilà deux exemples de ce que ne doit pas être une analyse de risques. D'ailleurs il ne suffit pas de lister des risques potentiels encore faut-il définir des parades sinon c'est n'importe quoi.
Pour mémoire, le risque est un danger éventuel plus ou moins prévisible qui peut affecter l'issue du projet. Pour ces deux cas, l'incertitude peut être levé avant de lancer le projet. Ce ne sont pas des risques.
Commentaires des premiers lecteurs
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Ecrit par : Jijou
Bonjour, cher Alain, Un bon billet, comme d'habitude. Oui, le cas de ce film est incroyable. La faute à l'extérieur : tu fais tout, prévois tout (ou presque), modélises la forme de ton travail, envisages les caps, les risques, etc. Et, à l'arrivée... tout plante. La poisse. C'est un rappel qu'on ne peut maîtriser que ce qui nous est propre. C'est-à-dire notre style imprimé dans les choses et puis notre perception de la vie. Et c'est tout. Le reste dépend... des autres. Et de la vie. Pff, nécessité d'être stoïcien par ces temps de prétendue maîtrise de tout (on l'a bien vu, avec la Société générale ou EADS : c'est réducteur de penser que la technique fait tout). L'Occident et sa technique et son cartésianisme rassurants butent contre ce qui s'est passé pour ce film. Incroyable, je disais. Et pourtant complexe : le grand tissu dynamique s'est secoué. C'est tout : pas plus, pas moins. Les résultats dépendent de nous, dans la vie. Et de la vie elle-même : il faut le dire aux professionnels, beaucoup l'ont oublié. Bien à toi, cher Alain.
Ecrit par : Lionel
Merci Lionel pour ces compléments.
A+
Alain
Ecrit par : afz