L'expert audit du projet en échec

Le problème avec les experts, c’est qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’ils ignorent. Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne Noir

Ou comment "s'assurer" l'impartialité de l'expert, lorsque tout semble plutôt mal barré...

Un projet en déroute, un expert, qui est responsable ?

Les projets qui réussissent ... et ceux qui ratent leur objectif... pour le dire simplement.
Tous les projets ne s'achèvent pas dans la liesse, au son des flonflons, une coupe de champagne à la main. Il arrive que les projets ratent leur cible et ce sont la colère, la mauvaise humeur, le sentiment d'avoir été berné qui animent aussi ce moment crucial de la fin du projet.

Une fois que les éclats de voix et les échanges de noms d'oiseaux plus ou moins recommandés par l'académie se sont enfin calmés, il n'est que temps de faire réaliser un audit afin d'étudier les raisons de l'échec et surtout de préciser les responsabilités de chacune des parties prenantes de premier plan (prestataire, sous-traitant, conseil, client, client du client...).

Légende: l'expert projet et les parties-prenantes: prestataire, sous-traitants, fournisseurs, architecte, conseil, client donneur d'ordre, client final...

Rater un projet ce n'est pas chose difficile

Un cahier des charges dominé par le flou, un management approximatif, des délais ultra comprimés ou des économies de bouts de chandelles, voilà autant de raisons de passer à côté de la bonne humeur le jour de clôture.

Qui paie les pots cassés

Qui à tort ? Qui à raison ? Le client ? Le prestataire ? Le cabinet de conseil en charge de l'accompagnent ? Tout le monde ?

Mais alors qui va payer le manque à gagner, la baisse de production ? Comment justifier la dépense maintenant que le ROI est inaccessible ?

L'expert entre en scène

C'est le moment de faire intervenir les "experts" afin d'essayer d'apporter un peu de lumière sur la répartition des responsabilités et, plus constructif, de contribuer à trouver une solution rationnelle en limitant autant que faire se peut les dépenses supplémentaires. C'est à cela que sert un audit d'expertise.

En fait, la seule question à poser est : qui paie l'expert ?

Sans mettre en doute ni sa compétence ni son intégrité, l'expert a aussi son chiffre d'affaires annuel à assurer.
D'ailleurs, nous ne vivons pas non plus dans un monde manichéen où tout est vrai ou faux, beau ou laid, blanc ou noir. Même si chacun reste persuadé de sa bonne foi et de son bon droit, les faits sont plutôt plus ou moins gris. Et sans (trop) déroger pour autant à l'éthique la plus élémentaire, l'impartialité de l'expert dispose ainsi d'une certaine "flexibilité". Après, on sait tous très bien qu'un audit, selon son déroulement et son mode de rédaction, peut orienter le jugement dans un sens comme dans un autre.

La toute relative indépendance de l'expert

Il y a déjà quelque temps, un client régulier me fit part d'un conflit en cours l'opposant à son prestataire du moment. Anticipant la traditionnelle question, il me précisa qu'ils partageaient les frais d'expertise équitablement. Pas de doute à ce sujet. Sauf que.

Sauf que, pour ce cas précis, l'expertise n'est pas la seule branche d'activité de l'intervenant. Il gère aussi une société de formation qui justement forme depuis de nombreuses années les utilisateurs des produits du prestataire incriminé. C'est sûr qu'il connaît le sujet. Sa compétence n'est pas en doute.

Peut-on alors supposer que son impartialité soit à géométrie variable ? Posons la question différemment. Mettra-t-il en balance son impartialité professionnelle avec un chiffre d'affaires conséquent et assuré pour sa société de formation ?
Poser la question c'est y répondre.

Compétence n'est pas synonyme d'impartialité

C'est un peu comme si on avait l'idée saugrenue de demander publiquement à un ingénieur du CEA son point de vue d'expert à propos de la dangerosité des déchets nucléaires, de discuter de l'intérêt des éoliennes avec un spécialiste des centrales EDF ou encore de s'assurer de l'innocuité et de l'efficacité d'un nouveau médicament auprès du directeur du labo qui le produit...

- Ah bon! vous l'avez déjà vu au cours d'un débat à la télé !
- Vous l'avez aussi lu dans la presse ?
- Manipulation vous pensez?

Comme quoi, Il ne suffit pas de s'arrêter à la liste des titres de noblesse de l'intervenant garantissant sa compétence pour considérer son propos comme parole d'évangile.

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L’auteur

Alain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance, de l’aide à la décision et de la conception de tableaux de bord de pilotage. Au fil de ces vingt dernières années, il a conduit de nombreux projets de réalisation de système décisionnel en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.

Ressources web

• Quelles sont les règles de déontologie de l’expert judiciaire ?
• "L’expertise : entre neutralité et partis-pris"
• Un expert judiciaire doit être impartial

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