Contrôler ou Piloter ? La contradiction du Management
On ne mesure pas pour contrôler, mais pour piloter ! Toute la difficulté de la mutation des entreprises pour enfin adopter des structures plus coopératives, et donc favorisant l'innovation, repose sur l'incompréhension de cette vérité pourtant évidente. La mesure de la performance n'est utile que pour faciliter la prise de décision. C'est un fait. L'exploiter pour contrôler les salariés n'est rien d'autre que serrer le frein de l'innovation managériale. Voyons tout cela.
Pourquoi mesurer la performance ?
Dans la logique de nos entreprises
encore porteuses du poids taylorien, nous associons trop facilement les termes
"mesure" et "
indicateurs" avec "
contrôle".
À l'origine de l'entreprise taylorienne, le mot d'ordre était "On ne peut
pas être bon dans tous les domaines, il faut donc être spécialiste". On trouvait
(et on trouve encore) ainsi les spécialistes de l'encadrement, les spécialistes
de l'exécution et les spécialistes de la mesure pour garantir
le fonctionnement global selon un mode prédéterminé.
Les
trois rôles principaux étant définis par les formules suivantes :
"Je commande, tu travailles, il mesure et tu seras sanctionné/gratifié
selon les résultats".
Le paradoxe de la stabilité fictive
Dans un contexte stable, le raisonnement n'est
pas réellement critiquable. Lorsque nous travaillions à flux poussé
avec très peu de perturbations, nous pouvions axer la gestion sur la
planification et les procédures. Dans ce cas, la performance pouvait
être estimée en termes exclusivement productivistes et financiers.
L'objectif demeurant l'augmentation de la production et la diminution des
coûts. Aujourd'hui, bien que le contexte ne soit plus le même, de nombreuses
entreprises ne modifient pas leurs habitudes pour autant et persistent toujours
(si ce n'est dans le propos, cela reste vrai dans les faits) dans l'application
du schéma classique :
Planification => Contrôle => Sanction
Il est aujourd'hui parfaitement avéré que ce
système est totalement inadapté à la configuration
économique caractérisée par le changement rapide et l'imprévisibilité.
Il faut passer d'une logique de planification a priori et de constat a posteriori
à une logique dynamique et réactive :
Mesure / Action / Réaction
Bref, il faut
PILOTER ! Avec l'entreprise « réactive », le tableau de bord n'est plus
un outil de contrôle mais un instrument d'aide au pilotage pour les acteurs/responsables.
Utiliser le tableau de bord
et les indicateurs de performance comme objets de motivation est un travers assez courant dans
les entreprises.
Trop souvent, on présente aux utilisateurs des indicateurs
de performance beaucoup trop généraux et fort loin de leurs préoccupations
et de leurs moyens d'action. Les
tableaux de bord ainsi construits sont purement et simplement inutiles. Si l'utilisateur
ne dispose pas du levier de commande pour
agir, l'indicateur ne sert à rien. À noter : les incontournables indicateurs
mesurant la "satisfaction client" entrent généralement
dans cette catégorie.
Et les objectifs de performance ?
Il est aussi de tradition de définir les
objectifs de performance à atteindre
comme autant d'obstacles à franchir, chacun récompensé
par une carotte,
l'indicateur servant alors de mesure officielle de la performance
personnelle.
Cette dérive particulièrement courante mérite
toute notre attention. Elle se place tout à fait dans la continuité
de l'utilisation archaïque du tableau de bord dont nous parlions ci-dessus.
Il ne faut pas considérer un objectif comme la barre de saut d'un perchiste
placée toujours plus haut par la direction. Il ne faut pas non plus considérer
l'indicateur comme un compteur de points acquis. Ce n'est pas ainsi que seront
résolus les problèmes de motivation. Un indicateur doit rester
un outil d'aide à la décision. Il permet de s'assurer que les
actions engagées s'inscrivent bien dans la voie de progrès choisie.
C'est ainsi que se définit la performance.
Mise en garde…
Ce texte est l'un des tous premiers publiés sur le site Piloter.org du temps où il s'appelait encore Nodesway.com au tout début des années 2000(s). Il est intéressant (et déprimant à la fois) de constater qu'il est toujours d'actualité.
Il est important de procéder à ce constat si l'on souhaite bâtir un système de mesure de la performance réellement utile. Les dérives d'une compréhension erronée de l'usage du management de la performance bloque l'entreprise telle un véritable
sabot de Denver, la maintenant dans un mode de management fondé sur la crainte en lieu et place de la coopération.
La première partie de l'ouvrage ci-après, les
"Tableaux de Bord du Management Innovant", vous aide justement à dérouler une analyse critique pour dépasser cet archaïsme, et bâtir ainsi un système de pilotage de l'entreprise tout à fait adapté aux exigences de croissance en un contexte hyper-concurrentiel.
Présentation détaillée du livre "la transformation démocratique de l'entreprise"
L’auteur
Alain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance, de l’aide à la décision et de la conception de tableaux de bord de pilotage. Au fil de ces vingt dernières années, il a conduit de nombreux projets de réalisation de système décisionnel en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
À ce sujet, voir aussi
- Définition de la mesure de la performance
S'il est relativement aisé de mesurer des coûts, des quantités et des minutes, ce ne sont pas toujours les unités les plus adéquates pour évaluer la performance. La mesure de la performance est en effet toujours étroitement liée à la stratégie poursuivie. Attention de ne pas se tromper de métrique pour ne pas mesurer n'importe quoi...
- Le tableau de bord est un instrument d'aide à la décision
Le tableau de bord est un instrument d'aide à la décision. N'oublions pas que nous ne pilotons que ce que nous mesurons. Pourquoi continuer à utiliser un système de mesure inadapté ?
- On ne pilote que ce que l'on mesure… Ah bon ?
On ne pilote que ce que l'on mesure. Vous connaissez cet aphorisme, véritable leitmotiv des pros de la performance. Cela dit, il n'y a rien de plus vrai. Il n'est d'autre moyen d'évaluer un quelconque progrès que celui d'appliquer régulièrement son mètre étalon. Mais dans la réalité, ne mesure-t'on pas uniquement ce qui est facile à mesurer ? Alors, qu'en est-il du pilotage ? Voyons tout cela.
À lire
Le bon pilotage commence par concevoir les bons outils d'aide à la décision pour tous !
Les tableaux de bord du manager innovant
Une démarche en 7 étapes pour faciliter la prise de décision en équipe
Alain Fernandez
Éditeur : Eyrolles
Pages : 320 pages
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Format ebook : PDF & ePub,
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Commentaire lecteur
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Merci pour cet article. Je rejoins tout à fait votre analyse et les deux points suivants :
- Il est nécessaire de développer au sein des organisations une véritable culture de l’évaluation.
- Les tableaux de bords mis à disposition des collaborateurs doivent être adaptés à son destinataire.
Je compléterais également par un troisième enjeu qui est la collecte des données. J’ai participé il y a quelques jours à la journée de l’évaluation en santé organisée par la Société Française de l’Évaluation. Outre la culture de l’évaluation, le besoin d’outils de collecte et de restitution de données en continu a été plusieurs fois évoqué. J’ai pu également échanger avec un consultant de l’entreprise Virage Group (https://www.viragegroup.com) qui avait rencontré les mêmes problématiques chez certains de ses clients.
Ils ont donc développé un outil (Perf Monitor) permettant de faciliter la collecte des données et de réduire le temps passé sur la consolidation de ses éléments.
Je pense donc que faciliter la collecte des données est au moins aussi important que les enjeux cités précédemment.
Qu’en pensez-vous ?
Ecrit par : Casimir