Développez l'intelligence collective et limitez le nombre de procédures
Vous ne souhaitez pas dynamiser l'intelligence collective et l'autonomie des équipes ? Alors soignez les procédures ! Voyons tout cela avec un exemple assez paradoxal. L'excès de procédures fut dénoncé en son temps comme le travers de la normalisation qualité ISO ancienne version, avant la livraison 9001:2015. Pourtant, la surenchère de procédures persiste encore aujourd'hui contre vent et marée...
Quand la procédure n'est pas assez précise...
Pour tester la résistance des pare-brise d'avions, l'administration aéronautique fédérale américaine FAA avait mis au point un pistolet qui lançait des poulets morts.
Le poulet était propulsé à la vitesse d'un avion en plein vol. Si le pare-brise résistait au choc, cela signifiait qu'il ne subirait aucun dommage lors de la rencontre avec un véritable oiseau. Simple et efficace.
Profitant de cet enseignement, les ingénieurs anglais ont essayé le pistolet pour vérifier la solidité du pare-brise d'une nouvelle locomotive à grande vitesse...
Mais une fois tiré, le poulet a éclaté le pare-brise, pulvérisé le tableau de bord et détruit le siège du pilote avant de s'encastrer dans le mur du fond de la cabine de pilotage !
Abasourdis, persuadés d'avoir respecté les conditions d'expérimentation, les ingénieurs anglais ont transmis tous les éléments à la FAA afin de vérifier le protocole de test.
La FAA a étudié les éléments transmis puis a émis une recommandation laconique : "Décongelez le poulet !"
Source Meat and Poultry
Extrait du livre "Le chef de projet efficace" Editions Eyrolles 2018.
Le trop-plein de procédures tue l'inventivité humaine
Le principe des procédures trop rigoureuses, trop précises, trop détaillées et trop nombreuses est une insulte à l'intelligence humaine. Il ne faut donc pas être surpris que dans un monde où l'on privilégie la règle, la norme et la procédure sur l'inventivité humaine, les femmes et les hommes rangent soigneusement leur cerveau au placard durant leur temps de présence dans l'entreprise.
Ils préfèrent garder leur imagination pour des thèmes qui leur tiennent plus à coeur.
Il ne s'agit pas non plus de supprimer toutes les consignes, modes d'emploi et bonnes pratiques pour improviser à tout bout de champ mais bien de trouver le juste milieu, celui qui favorise l'intérêt et la volonté de développer son inventivité dans le contexte d'exercice de son métier.
L'avalanche de procédures est encore un vieux réflexe taylorien, hérité du temps où l'illustre ingénieur rêvait d'ouvriers sans cerveau mais avec des bras et des jambes actifs. Il est dommage d'appliquer encore ces recettes du passé alors que l'on a totalement changé d'univers professionnel.
Procédures et normes qualité
Les procédures et la documentation étaient le pilier fondamental des normes qualités. Du temps où la livraison des ISO 9001:1994 avait semé une vraie panique dans les entreprises, le formalisme des procédures occupait tous les esprits.
La légende du scaphandre en ... béton !
À cette époque aux US, courait d'ailleurs la rumeur d'une entreprise parvenue à la certification en proposant rien de moins que de fabriquer des scaphandres...En béton ! Toutes les procédures comme le manuel qualité étaient conformes, l'audit n'y aurait vu que du feu et se serait ainsi fait piégé.
Quoi qu'il en soit, la dérive documentaire éloignait les entreprises de la finalité de la mise en oeuvre d'un système qualité parfaitement piloté. La livraison des normes ISO 9001:2015 a mis un bémol à cette contrainte documentaire un peu absurde et à cette explosion procédurale, tout à fait dans l'inspiration taylorienne déjà évoqué ci-dessus, où la confiance au service de la performance n'est qu'un vain mot.
Donc dorénavant, si vous rédigez des procédures, ça ne sera plus pour répondre à la norme, (quel paradoxe !) mais bien parce que les professionnels en ont réellement besoin.
Bon. Tout n'est pas non plus résolu, tant s'en faut. Bien des entreprises persistent contre vent et marée à troquer la
confiance envers les salariés par la
méfiance. Elles multiplient les procédures tant elles doutent des capacités intellectuelles et surtout de la
motivation desdits salariés.
Quel que soit le métier exercé, la plus belle des motivations reste encore le goût du travail bien fait comme le développe avec talent
Richard Sennett dans le livre "Ce que sait la main".
Bien difficile de l'exercer quand les procédures et aussi les standards contraignent le professionnel à ne pas s'écarter de la règle dans un pur esprit
Poka Yoke. Dans ce cas il ne s'agit plus de professionnel mais bien d'exécutant et l'on reste tout à fait dans l'esprit du taylorisme pur et dur.
Le mythe du transfert des connaissances standardisées
Les procédures n'ont d'autre finalité que celle de s'assurer de la bonne exécution d'une tâche quel que soit l'exécutant. Mais peut-on aussi facilement formaliser les connaissances afin de les rendre transférable ? Les métiers sont complexes et le passage du tacite
(la pratique sur le terrain) Ã l'explicite
(la rédaction de la procédure) n'est pas aussi évident que cela en dépit de ce qu'avancent les normalisateurs de tout poil.
Comment garantir la bonne exécution d'une activité ?
Les entreprises encore porteuses du lourd héritage de la division du travail et de la spécialisation des tâches, ont toujours privilégiées l'élaboration de procédures détaillées aux dépens d'une formation ad hoc facilitant la responsabilisation des acteurs de terrain.
Avec la complexité des tâches, les exigences de flexibilité et de polyvalence, tant qu'elles persistent à procéder ainsi, elles sont plutôt mal barrées me diriez-vous.
C'est sûr. D'autant que le recours systématique aux procédures dans l'espoir de transférer la connaissance n'a jamais réellement rempli sa mission une fois sortie du contexte très particulier du travail à la chaîne, qu'il soit industriel ou bureaucratique. Bref, les procédures ne sont pas vraiment le moyen le plus efficace pour transférer la connaissance, tant s'en faut !
De la pratique de terrain à la règle écrite et vice versa
Le passage du "tacite" à "l'explicite" n'est pas des plus évident, ceux qui ont connus les premières générations de projet de
gestion des connaissances ou knowledge management, ne viendront pas me contredire. Les métiers de l'entreprise sont complexes et les connaissances acquises de l'expérience c'est à dire de la répétition de la pratique sont quasiment impossibles à formaliser.
Mais alors pourquoi chercher à formaliser ainsi les connaissances ?
Pour deux raisons concomitantes :
- la première tout à fait dans la lignée de l'OST (Organisation Scientifique du Travail), n'est autre que la volonté de capter la connaissance des techniciens acteurs de terrain afin de les priver d'une part importante de leur pouvoir.
- La seconde, dans la lignée de la première, est de rendre les acteurs de terrain facilement interchangeables et donc remplaçables par des techniciens moins qualifiés et donc plus "souples" pour ne pas dire malléables à volonté.
Présentation détaillée du livre "la transformation démocratique de l'entreprise"
L'auteur
Alain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l'aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a accompagné nombre d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux √âditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
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EAN : 978-2212569285
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Ecrit par : pierre-jean
Excellent, une histoire à raconter pour expliquer l'intérêt des procédures et de la démarche Qualité. Mais, quel est l'avis du poulet sur le sujet ?
Ecrit par : Xavier
Tout ça me ramène plus de 30 ans en arrière. J'étais élève ingénieur et stagiaire au CEAT de Toulouse. Nous avions un canon à poulet. Les poulets n'étaient ni congelés, ni même morts ! Le protocole de tests prescrivait un animal vivant d'une masse très précise. Tellement précise que l'on devait amputer la victime (vivante, donc) de tout ou partie de ses pattes pour satisfaire aux exigences du test !
Ecrit par : Michel Estève