Interpréter les indicateurs KPI dans le sens de ses intérêts pour manipuler son auditoire
Il n'est pas bien difficile de faire dire tout et son contraire aux indicateurs de performance. Mais où s'arrête l'information et où commence la manipulation pour un parfait enfumage ? Les pros de l'entourloupe ont plus d'un tour dans leur sac pour trafiquer les indicateurs ou fausser leur interprétation afin de servir au mieux leur ambition personnelle. Poursuivons avec un exemple sur l'art de la manipulation des autres.
La manipulation des élites est encore plus facile que celle des masses. Jean Yanne
Changer la réalité en truquant les indicateurs de performance
Le week-end dernier, j'ai croisé une ancienne voisine. Pas vraiment au meilleur de sa forme. Elle venait juste d'apprendre la veille qu'elle faisait partie de la charrette. Licenciée donc.
"Ce sont les indicateurs" , me dit-elle.
"Ils sont tous dans le rouge, et comme je suis la dernière arrivée... En tout cas, c'est ce que l'on m'a expliqué lors de mon entretien. Il n'y a pas d'autre solution."
"Ce sont les indicateurs !". Cette phrase résonne encore dans ma tête.
Moi, qui consacre une bonne part de mon temps à promouvoir l'usage des indicateurs de performance, je me sens un peu mal à l'aise lorsque j'entends ce type de discours. Il est temps de faire une mise au point.
Il est vrai que désormais les indicateurs ont envahi notre quotidien. Dévoyés de leur rôle initial, ils sont bien pratiques pour servir d'explication incontestable à un peu tout et n'importe quoi.
Ainsi, il devient coutumier dans l'entreprise, comme dans la vie publique, de justifier les décisions prises ou à prendre par la publication d'un indicateur à l'intitulé ronflant appuyant l'argumentation et coupant court à toutes objections.
"C'est l'indicateur qui l'a dit..."
«
Vous voyez bien que j'ai raison d'agir ainsi, c'est l'indicateur qui le dit, il n'y pas d'alternative ».
En fait, tout est dans l'intitulé de l'indicateur et le discours l'accompagnant. C'est un peu l'histoire du verre à moitié vide et du verre à moitié plein.
Étudions deux réactions typiques de management et d'usage trompeur des mêmes indicateurs de performance. Pour cet exemple, les indicateurs montrent une situation un peu pâlichonne.
- « Voyez nos indicateurs, nos résultats n'ont pas atteint les objectifs fixés. La concurrence est rude. Pour sauver l'entreprise, nous devons recentrer nos activités sur notre coeur de métier. »
Bref, celui-ci veut licencier.
- « Grâce à moi, depuis que je suis aux commandes, la barre est maintenant redressée. Voyez donc les indicateurs ! Mais attention, la route est encore longue, unissons nos efforts pour franchir ce cap difficile. »
En revanche, celui-là tient à garder sa place.
Analyse, comment ça se passe dans notre cerveau ?
Laisser en paix notre cerveau limbique !
L'idée étant de justement laisser de côté notre capacité de réflexion, et de ne s'adresser qu'à notre cerveau limbique, voire reptilien, qui lui ne réagit qu'en émotion primaire, comme la peur notamment qui entraîne la soumission.
Un indicateur déconnecté de son contexte ne veut rien dire. Avant d'interpréter la valeur portée encore faut-il disposer de réponses claires et précises aux quelques questions suivantes :
- Comment est calculé l'indicateur ?
- Quelles sont les données utilisées pour son calcul ?
- Que mesure-t-il exactement ?
- Quel était l'objectif initial ?
- À quelle échéance devait-il être atteint ?
- Quelles actions ont été mises en place ?
- Avec quel résultat ?
À moins d'être un débile profond, nous disposons tous d'un QI moyen largement suffisant pour saisir en substance la valeur d'un indicateur et en décoder le sens porté lorsqu'il nous concerne au premier chef. Exigeons que l'on s'adresse à notre néo-cortex, nous sommes des êtres humains, êtres logiques et raisonnables que diable !
Les dérives du pilotage de la performance
Utiliser les indicateurs de performance, ou plus généralement les mesures pour servir ses intérêts, plutôt que la marche vers le progrès est vraisemblablement l'une des deux principales causes d'échec des systèmes de pilotage de la performance à base de tableaux de bord. La seconde étant l'incompétence du concepteur.
Il est loin d'être évident de démasquer les manipulations tant il existe de moyens de tromper son auditoire. Les individus malintentionnés pullulent dans les entreprises. Il est inutile de leur jeter la pierre. C'est plutôt le principe de compétition individuelle et la culture du résultat qui conduit les managers de l'entreprise à ces comportements négatifs à long terme pour la performance mais efficaces à court terme pour sa propre carrière.
Il est temps d'apprendre à repérer les manipulations
Il faut pourtant avancer. Pour cela encore faut-il apprendre à repérer les manipulations. La
première partie du livre "Les tableaux de bord du manager innovant", présenté ci-après, liste les méthodes et techniques les plus courantes utilisées par les manipulateurs avertis pour tromper leur auditoire, leur supérieur hiérarchique tout comme leurs subalternes, voire leurs collègues.
C'est une étape fondamentale pour tous ceux qui souhaitent bâtir des tableaux de bord avec des indicateurs fiables, des tableaux de bord utiles, utilisables et donc utilisés.
Le chapitre 3 de l'ouvrage ci-après, "Dominer, c'est aussi savoir manipuler l'information", démarre d'ailleurs avec l'exemple réel présenté ici, développé et analysé : "Ce sont les indicateurs ! Ou comment changer la réalité en manipulant les indicateurs de performance".
Comment bien bien manipuler son auditoire
Le pied dans la porte et la soumission forcée en pratique...
Où l'on commence par une histoire vécue pour présenter une des plus vieilles arnaques du monde : "le pied dans la porte" et où l'on poursuit avec la présentation du best seller "Petit Traité de Manipulation à l'Usage des Honnêtes Gens".
Je me ballade dans Paris, boulevard de Clichy. Depuis que l'allée centrale est aménagée, le boulevard semble retrouver sa fonction première : un lieu de flânerie. Une bande de jeunes ados, sûrement du lycée Jules Ferry juste en face, glandent sur un banc. Ils me voient arriver.
La plus dégourdie du groupe, vraisemblablement, m'aborde pour me demander l'heure. Ca tombe bien, pour une fois j'ai une montre. Le temps de me rappeler dans quelle poche j'ai bien pu la glisser, elle enchaîne immédiatement : "Et vous n'auriez pas 1 Euro ? "Je regarde le poignet de la copine qui, entre temps, s'était rapprochée : elle portait une montre...
Elles étaient purement et simplement en train de me faire le "coup du pied dans la porte" !
Une technique si bien décrite par Joule et Beauvois dans ce super bouquin de vulgarisation socio-psy : Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens (si vous ne l'avez pas encore lu, n'hésitez pas toutes les références sont en bas de l'article).
Le principe de l'arnaque
En fait, l'idée du "pied dans la porte" est une forme de soumission forcée. Elle se déroule en deux temps :
- Premier temps : Demander quelque chose d'insignifiant que l'on ne peut pas refuser... L'heure, par exemple, c'est facile à "donner" puisqu'on ne la perd pas après.
- Deuxième temps : Le processus de générosité est enclenché. Il est
temps alors de demander quelque chose de plus important qui sera plus
difficile à refuser une fois que l'on est pris dans l'engrenage du
processus.
Cela dit, les jeunes de l'aventure ci-dessus ont fait une erreur. Ils sont
passés trop vite à la deuxième étape. Ils n'ont sûrement pas dû lire ce
livre. Il faut en effet savoir attendre, comme je leur ai recommandé (fort de ma science en la matière récemment acquise, merci aux deux auteurs ), que le premier geste de générosité soit
accompli avant de mettre en place la situation de soumission forcée.
À noter : Pour certaines situations, le processus est encore plus
efficace lorsque la demande s'accompagne du touché de la main. Le
contact physique aide grandement à imposer sa volonté.
Ce livre, d'ailleurs un best-seller depuis sa première parution, est
intéressant à plus d'un titre. D'une lecture aisée, il est à mon avis
particulièrement indiqué pour une meilleure compréhension des travers du processus de la prise de décision.
Présentation détaillée du livre "la transformation démocratique de l'entreprise"
Quatre Livres blancs en accès libre
L’auteur
Alain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l’aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a accompagné nombre d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
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Les tableaux de bord du manager innovant
Une démarche en 7 étapes pour faciliter la prise de décision en équipe
Alain Fernandez
Éditeur : Eyrolles
Pages : 320 pages
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Connaître les techniques pour amener les autres à faire ce que l'on voudrait bien qu'ils fassent, que l'on soit manipulateur ou manipulé…
Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens
de R-V Joule et J-L Beauvois
Presses Universitaires de Grenoble
Mars 2014
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Le lecteur intéressé par le processus de la décision et de ses déviances pourra enchaîner avec la lecture de ce second petit livre à prix modique, tout aussi instructif et distrayant…
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