Culture du résultat, les effets pervers
Manipulations et dévoiement de la stratégie sont intrinsèquement liés à l'essor absurde de la culture du résultat. Dans ce contexte, lorsque la performance est matérialisée par un indicateur unique, ce n'est plus la performance que l'on cherche à améliorer mais l'information portée par l'indicateur. Pour y remédier, il n'est d'autre solution que de passer d'une logique de la récompense et de l'évaluation à une logique de la responsabilité et du contrat.
La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent. Albert Einstein
Lorsque l'indicateur de performance oriente la stratégie
Lorsque l'on évolue dans une culture du résultat,
l'indicateur est "Roi".
Il s'agit de le
choisir et de le
construire avec précision, cela tombe sous le sens.
Il s'agit aussi de garantir son intégrité et sa transparence. Bref, tout un
chacun doit comprendre sans effort comment il est construit, comment il est utilisé. Mais est-ce réellement le cas le plus courant ?
De la manipulation…
La manipulation est tentante. Il est en effet bien plus aisé de bricoler ses indicateurs afin qu'ils collent avec ses propres ambitions de surperformance que de déployer de réels efforts. Changer le mode de calcul de l'indicateur en cours de parcours, ou même "ajuster" au mieux les chiffres et
statistiques servant à sa construction, sont des pratiques bien plus courantes qu'on ne le pense et à tous les niveaux de la société.
Rien de bien nouveau il est vrai. Les travers d'une culture du résultat sont déjà bien connus.
Lorsque la mesure remplace l'objectif…
La manipulation n'est pas le seul effet pervers de la culture du résultat. L'évaluation systématique, clé de voûte du principe, impose une polarisation excessive sur les
indicateurs de performance. Et à trop se focaliser sur la
mesure, on en perd irrémédiablement
l'objectif.
"Lorsqu'une mesure devient un objectif, elle cesse d'être une mesure".
Tant que l'on garde le regard braqué sur la mesure, l'axe de déploiement de l'effort n'est plus en phase avec la finalité attendue. Il ne s'agit plus d'atteindre l'objectif mais d'agir au mieux pour la progression de la mesure. La dérive est là. C'est d'ailleurs ce qu'exprime la loi de Goodhart :
"Une fois qu'un indicateur social ou économique est devenu l'objectif à atteindre de la conduite d'une politique sociale ou économique, il perd la valeur informative qui le qualifiait pour jouer le rôle de mesure de la performance." D'après Charles Goodhart (1936-)
La politique du résultat et ses effets pervers
Bref me direz-vous, ce ne sont là que les fruits des effets pervers induits par la politique du résultat et le management par l'évaluation. Lorsque les critères de performance des évaluateurs se résument à une poignée d'indicateurs, il ne faut pas être surpris si les évalués s'arrangent d'une manière ou d'une autre pour que ceux-ci aient fière allure.
La folie de récompenser "A" alors que l'on attendait "B"
Au risque de se répéter, nous dirons encore une fois qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
Il y a déjà quelques décennies, Stephan Kerr dans un article marquant dénonçait déjà ces dérives étroitement liées au culte du résultat et de la récompense :
"On the folly of rewarding A, while hoping for B", Sur la folie de récompenser "A" alors que l'on attendait "B".
Pour enfoncer un peu plus le clou, force est de constater que le système ne semble pas s'arranger et se pervertit toujours plus. À titre d'exemple, citons simplement le cas d'un management par le "stress" où l'évalué n'est même pas sûr de connaître exactement les critères, ni même les objectifs poursuivis…
Un premier exemple laissé à l'appréciation des universitaires :
- La société souhaite que les professeurs ne négligent pas leurs responsabilités d'enseignement, mais ne récompense que leurs recherches et leurs publications.
Deux autres exemples :
- On souhaite une croissance à long terme, et on récompense les gains trimestriels.
- On souhaite un travail d'équipe, et on récompense l'effort individuel.
Passer d'une logique de récompense à la culture de la responsabilité et du contrat
Le seul remède serait une réforme de fond des principes du management afin de passer d'une logique de la récompense, comme le sous-entend la culture du résultat, à une logique de la responsabilité et du contrat. En effet, dans une logique de la récompense, la finalité importe peu. Seuls les critères d'évaluation sont considérés. D'où les dérives de conception de la mesure et de l'utilisation des indicateurs de performance.
En revanche, dans une logique de la responsabilité et du contrat, on s'adresse à chacun comme à un adulte, sans promesse de carotte ni menace du bâton. Chaque acteur, puisqu'il s'agit bien de cela, est responsable de sa tâche, de son progrès, sans chercher pour autant à plaire à un évaluateur, généralement le supérieur hiérarchique. À ce stade on ne parle même plus de motivation mais bien d'implication. La culture du résultat peut être enterrée. Le résultat sera là sans courir après.
Mais une logique de responsabilité ne s'improvise pas. De toute façon, l'entreprise traditionnelle pyramidale et hiérarchique est totalement inadaptée. Il faudra plutôt la chercher du côté des structures coopératives autogérées, en tout cas celles qui pratiquent réellement un pilotage démocratique.
À suivre…
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L’auteur
Alain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l’aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a accompagné nombre d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
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