L'Autogestion, l'Entreprise Adulte, Durable et Responsable
Il est pour le moins surprenant qu'au XXIème siècle, l'autogestion soit encore une exception dans le monde des entreprises. Il est particulièrement curieux que l'on ne prenne pas plus conscience que la valeur est créée par les salariés et les sous-traitants et que sans ces femmes et ces hommes, l'entreprise n'existerait tout simplement pas. Il encore plus singulier que dans un monde incertain et complexe, alors que les entreprises entrent dans l'économie numérique, on exige toujours plus des salariés et dans le même temps on supprime les garanties de pérennité de l'emploi. La coopérative autogérée est bien la seule solution pour enfin entrer dans le monde de l'Entreprise Adulte, Humaine, Durable et Responsable.
Pourquoi ne sommes-nous pas tous patrons ?
Vous en avez ras la casquette du
management par le stress, vous vous sentez pris au piège d'un
salariat corvéable à merci.
Vous n'avez pas du tout confiance dans un paternalisme de légende tout droit sorti du XIXème.
Vous craignez l'extension de l'emploi jetable et le modèle Toyota ne vous fait pas rêver (4).
Il existe pourtant d'autres manières d'organiser la création de valeurs sans être pour cela contraint de subir en permanence les abus managériaux. L'inexorable financiarisation exacerbe déjà suffisamment les lois de la concurrence sans encore en rajouter.
L'autogestion, un mode de survie en environnement chahuté ?
L'autogestion par exemple, un modèle d'organisation fondé sur des principes démocratiques(1), est bien mieux adapté aux fonctionnements horizontaux tels que l'on devrait les pratiquer.
Lorsqu'il est bien appliqué, ce mode d'organisation à l'échelle humaine est suffisamment mobilisateur pour relever des entreprises en faillite et vidées de leur substance par les ex-propriétaires. Même s'ils sont bien peu médiatisés, les exemples d'entreprises redressées depuis le passage en coopérative ne manquent pas.
De la propriété...
Cela dit, l'auto-gestion n'est pas pour autant qu'un mode de survie en environnement chahuté.
Il est essentiel de revenir de temps à autre aux fondamentaux et d'en profiter pour se poser les bonnes questions.
Par exemple, pourquoi l'outil de travail devrait-il être détenu systématiquement par des éléments extérieurs à l'entreprise ? Ne serait-il pas plus logique qu'il soit la propriété de ceux qui créent la valeur, des femmes et des hommes qui, sur le terrain, 8 heures par jour, conçoivent, produisent, vendent et assurent le fonctionnement du processus global ?
On pourrait alors donner une définition aussi précise que réaliste à la notion d'investissement personnel sans se fourvoyer dans l'archaïque schéma de soumission-dépendance.
Qu'est-ce que la performance pour une coopérative ?
Dans tous les cas, c'est bien la
notion de performance qu'il s'agit de préciser avec soin. Un petit exercice de réflexion, collectif ou non, du type des
5 pourquoi sera d'un précieux secours pour enfin comprendre l'intérêt de se défoncer au boulot.
"Emploi et revenu durables" sont en réalité les seuls objectifs de performance qui méritent d'être poursuivis. C'est d'ailleurs sous cette aune que l'on évaluera et classera les méthodes de management. (A titre d'aparté j'ai déjà effectué un premier tri et éliminé l'ivraie. Les "bonnes" méthodes sont décrites sur l'ensemble des sites du portail "piloter la performance".)
Présentation détaillée du livre "la transformation démocratique de l'entreprise"
Revisiter les méthodes de management et d'organisation
Ensuite, bien sûr, il faut encore les mettre en oeuvre avec soin, en se focalisant exclusivement sur la définition de la performance retenue.
La quête continue de la satisfaction client, les démarches qualité, la maîtrise des processus, l'alignement stratégique, les stratégies coopératives, océan bleu, niches et innovation permanente trouvent toutes leurs saveurs dans une perspective d'emploi et de revenu durables.
Mais tout cela doit être piloté
On laissera de côté le mythe du leadership, fond de commerce des flagorneurs, cabinets de consultants à 2 balles et publications easy reading pour s'attarder sur la question de la
gouvernance et le principe de
prise de décision dans une démarche plus globale de
développement durable.
(1) Dans une autogestion, chaque "salarié"-sociétaire-actionnaire, quelle que soit sa position :
- fait entendre sa voix au même titre que tout autre membre de l'entreprise.
- Les bénéfices ne sont pas dispersés à l'extérieur comme pour une société par action.
- Ils sont redistribués après avoir renforcé les réserves nécessaires pour les investissements à venir et coups durs éventuels.
Tower Colliery une autogestion exemplaire
Cette mine du pays de Galles fut rachetée par l'ensemble de ses salariés à l'époque où Maggie Tatcher, Tina pour les intimes (There Is No Alternative) avait décidé de casser le syndicalisme particulièrement actif chez les mineurs.
Après les grandes grèves des années 80, les puits étaient systématiquement fermés les uns après les autres. Lorsque ce fut le tour de Tower Colliery en 1994, les mineurs décidèrent de ne pas en rester là. Ils investirent la totalité de leurs indemnités de licenciement (8.000 Livres) pour racheter la mine. Puis, ils mirent en place une coopérative autogérée, fondée sur un management démocratique.
Le principe est simple. Toutes les décisions importantes sont prises en assemblée générale et tout le monde vote : un homme = une voix. Les dirigeants et cadres du Board sont élus ainsi.
Après le redémarrage, une des premières décisions fut d'augmenter significativement les salaires hebdomadaires, puis de mettre en place une véritable couverture maladie accident assurant le salaire jusqu'à 15 mois d'arrêt. Ingénieurs et cadres de haut niveau furent recrutés en assemblée générale, eux-mêmes devenant à leur tour sociétaires de la coopérative après avoir payé leur quote-part : 8000 Livres Sterling.
Une activité rentable
En dépit des discours des précédents dirigeants et des représentants du gouvernement de l'époque, la mine était en fait rentable. La coopérative sut exploiter au mieux le filon, jusqu'à son terme.
Tower Colliery fut aussi particulièrement remarquable dans le monde industriel de part ses taux excessivement bas d'accidents du travail (paradoxal pour une mine) et d'absentéisme.
Maintenant le filon n'est effectivement plus exploitable ( problèmes géologiques) et les mineurs ont bien assuré leurs retraites. Mais pour eux l'aventure ne s'arrête pas là. Ils sont attachés à leur région. Plusieurs projets (un écoparc notamment) sont en préparation pour exploiter les 250 hectares qui leur appartiennent en propre et dynamiser enfin cette région particulièrement touchée par le chômage.
Les ressources
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Sur les Docks, l'émission de France Culture, lors d'une semaine consacré au Royaume Uni relatait cette aventure. Mineurs, Gallois et autogestion A écouter donc, notamment l'historique de la mine dont l'origine révolutionnaire (et sanglante) remonte à 1831. A écouter aussi pour apprécier à sa juste valeur comment la participation de tous permet de résoudre les problèmes les plus ardus. En dynamisant la participation démocratique et en cumulant les idées, ils ont ainsi su transformer un gravissime problème de méthane (grisou) en une source d'énergie multiple...
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Daniel Mermet a aussi consacré une série émissions à cette aventure industrielle ici : la première et la seconde.
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Jean-Michel Carré avait tourné un film sur les lieux : Charbons ardents.
"Ce film relate l'aventure de mineurs gallois qui, avant la fermeture de leur mine dans le cadre de la politique de Mme Thatcher, décident de relever la tête. Investissant leurs indemnités de licenciement, ils votent le rachat de leur entreprise dont ils deviennent les actionnaires tout en continuant l'exploitation.
Grand Prix au Festival Dei Populi - Florence 1999"
Une expérience d'autogestion à grande échelle
2001, la crise en Argentine. Fuite massive des capitaux. Les avoirs des argentins de base sont bloqués. C'est le sauve qui peut. Les usines ferment, les patrons vendent ce qu'ils peuvent, oublient de payer les salaires en retard et prennent le large.
Ici et là, les ouvriers des usines au chômage forcé ne se laissent pas abattre. Ils se remontent les manches, occupent les usines vides, se remettent au travail et relancent la production et l'économie du pays.
Ocupar, resistir y producir
Ils se constituent en coopérative autogérées et recherche non sans mal une reconnaissance officielle. Celle de leurs pairs et de la communauté, le tissu local, est déjà acquise.
Les coopératives autogérées appliquent un principe de démocratie participative. Les décisions importantes sont prises collectivement, un travailleur = une voix.
Certaines uniformisent les salaires d'autres non. A chacune sa recette de fonctionnement. Dans tous les cas, la structure pyramidale et hiérarchique est remplacée par un réseau. Ce principe de réseau est aussi perceptible au niveau du maillage des relations clients-fournisseurs et de l'implication sociale au le plan local.
Il y a quelques années, Naomi Klein et Avi Lewis s'étaient rendus en Argentine pour témoigner de ces instants suggérant une issue possible à un capitalisme en déroute.
Le film, The Take.
Un livre, traduit en anglais, Sin Patrón: Stories from Argentina's Worker-Run Factories
rapporte de multiples exemples de réussites après la reprise d'entreprises abandonnées par leurs dirigeants.
Ce film et cet ouvrage content entre autres l'aventure de Zanon Ceramica devenu FaSinPat (Fábrica Sin Patrones, Usine sans patron),
La wikipedia française y consacre aussi un article voir ici.
La transformation démocratique de l'entreprise
Le livre de référence pour piloter la performance d'une SCOP. La démarche complète a notamment été testée et validée au sein de coopérative de production en autogestion.
La transformation démocratique de l'entreprise
Pour en finir avec le mépris, principe délétère du management d'hier et d'aujourd'hui
Alain Fernandez
Sujet : Expérience concrète d'instauration de la démocratie au sein d'une PME
Pages : 360 pages
Prix : 19,90 €
Prix Format ebook : 0,99 € Promo de lancement ! (epub ou kindle)
Extrait du livre
Dispo :
Autres librairies en ligne...
Quatre Livres blancs en accès libre
L’auteur
Alain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l’aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a accompagné nombre d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
Ressources web
- Comment monter une SCOP
- SCOP, le réseau Société Coopératives et participatives. Un site particulièrement complet et informé.
- SCIC, définition des Sociétés Coopératives d'Intérêt Collectif
- Labo ESS, le labo de l'Economie Sociale et Solidaire
- Contribution d'Edgar Morin
Postface à l'ouvrage Economie sociale et solidaire : 50 propositions pour changer de cap ! (PDF)
- Alternatives économiques
De nombreuses informations sur la question de l'autogestion. Alternatives économiques est elle-même une SCOP. Un abonnement au ROI assuré.
- Mondragón, une méga coopérative
L'énigme de Mondragon : comprendre le sens de l'expérience par Jacques Prades
A ce sujet, voir aussi
Lecture recommandée
Le travail de l'utopie
Godin et le Familistère de Guise Michel Lallement
Belles Lettres
503 pages
Dispo :
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Travailler sans les autres ? Danièle Linhart
Seuil
Collection : Non conforme
212 pages
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www.amazon.fr
Economie sociale et autogestion
Entre utopie et réalité Nathalie Ferreira
Editions L'Harmattan
240 pages
Dispo :
www.amazon.fr
The Future of Work
How the New Order of Business Will Shape Your Organization, Your Management Style, and Your Life Thomas W. Malone
Harvard Business School Press
240 pages
Dispo :
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Nous sommes tous des décideurs !
La vraie délégation commence par concevoir les bons outils d'aide à la décision pour tous !
Les Tableaux de bord du Manager Innovant, Une démarche en 7 étapes pour faciliter la prise de décision en équipe
Alain Fernandez
Editeur : Eyrolles
Pages : 320 pages
Prix : 25 Euros
Pour acheter ce livre :
Auteurs de référence
Les ouvrages cités en introduction de ce texte
Orange stressé
Le management par le stress à France Télécom Ivan Du roy
La Découverte
252 pages
Dispo :
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Suicide et travail : que faire ? de Christophe Dejours et Florence Bègue
PUF
Collection : Souffrance et théorie
128 pages
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www.amazon.fr
Travailler plus pour gagner moins
La menace Wal-Mart de Gilles Biassette et Lysiane J. Baudu
Hachette Littératures
247 pages
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Le quai de Ouistrehamde Florence Aubenas
Editions de l'Olivier
269 pages
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Toyota
L'usine du désespoir de Satoshi Kamata
Demopolis
264 pages
Dispo :
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