Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l'entraide et la solidarité visant à un but commun : l'épanouissement de chacun dans le respect des différences.
Françoise Dolto
Comme le savent parfaitement les acteurs de terrain, c'est-à-dire tous ceux qui créent de la valeur, les procédures aussi soigneusement établies soient-elles ne sont pas suffisantes pour accomplir sa tâche.
Dans un contexte d'incertitude et de complexité, le hasard et les imprévus sont le quotidien, et les limites du prescrit sont vite atteintes.
Pour y faire face et assumer ses responsabilités, il ne reste que le système D, la démerde, donc, et l'entraide. C'est ainsi que fonctionnent les entreprises.
S'imaginer que l'on puisse encore théoriser dans ses moindres détail le travail, est quelque part une fatuité du management. Ce que refusent d'admettre les Décideurs avec un "D" majuscule, qui loin du terrain ne juge de l'activité qu'en consultant "les chiffres", fruit des reportings, riches en amalgames de toutes sortes, transmis au fil de la hiérarchie.
Un mythe qui ne tient aucun compte du talent des femmes et des hommes de l'entreprise pour dépasser les frontières artificielles (titre, fonction, rôle, service...) afin de développer l'indispensable entraide sans laquelle rien ne fonctionnerait. Il est en effet indispensable de dépasser les règles, procédures et hiérarchie pour accomplir correctement sa tâche en univers complexe.
Légende : Le modèle hiérarchique de l'entreprise simplifié mais sans plus
Il est interessant de noter que le père putatif du management moderne, Henry Fayol préconisait que les 3...x et les 4...x puissent échanger plus aisément, malgré le cloisonnement des divisions. Attention, ce texte date de 1916
Quand un agent se trouve dans l’obligation de choisir entre la voie hiérarchique ou l’accès direct et qu’il ne lui est pas possible de prendre l’avis de son chef, il doit avoir assez de courage et se sentir assez de liberté pour adopter celui que l’intérêt général impose. » HENRI FAYOL, ADMINISTRATION INDUSTRIELLE ET GÉNÉRALE, 1916
L’intérêt général est bien celui de l’entreprise. La question du décloisonnement n'est pas nouvelle, elle était déjà bien posé aux origines de l'entreprise industrielle moderne.
Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l'entraide et la solidarité visant à un but commun : l'épanouissement de chacun dans le respect des différences. Françoise DoltoLorsque l'on étudie de près la réalisation des tâches dans une entreprise, quelles qu'elles soient d'ailleurs, on constate que les femmes et les hommes utilisent leurs talents naturels pour accomplir leur devoir bien au-delà du prescrit. Dans un monde de complexité et d'incertitudes, il n'y a guère d'autres manières de faire marcher la boutique.
Il s'agit en effet de prendre des décisions ad hoc plus ou moins complexes au quotidien et de s'engager. Mais heureusement, il y a l'entraide. Dans l'entreprise il est naturel pour bien des salariés de communiquer les bonnes informations et d'aider un collègue en le faisant profiter de son expérience ou de son réseau de relations.
Heureusement !
L'entreprise serait bien mise à mal si l'on devait se contenter d'exécuter le travail prescrit. Les grèves du zèle sont bien là pour nous le rappeler.
Ils s’investissent dans leur métier, développent des réseaux informels, échangent et s’entraident. C’est ainsi qu’au quotidien sont résolus les imprévus, les défaillances et les dysfonctionnements qui perturbent l’exécution des processus aussi bien conçus soient-ils, en tout cas sur le papier.
Si l'Entreprise avec un grand "E" c'est à dire la direction et tous ses conseils prenaient conscience de son réel fonctionnement interne et de la façon dont se crée la valeur, ils n'hésiteraient pas une seconde pour mettre en oeuvre tous les moyens possibles et imaginables pour renforcer l'esprit de solidarité et d'entraide.
En fait, on peut faire tous les discours que l'on veut s'engager à plus de confiance, à reconnaître le talent et à dynamiser l'entraide. Mais si ces bonnes intentions ne se retrouvent pas dans les indicateurs de performance du management, il est bien évident qu'il ne s'agit là que d'un blabla pour endormir, une forme de bienveillance non aboutie.
Ce ne sont ni des berceuses ni de la bienveillance de surface qui feront bouger les choses. Mais bien des actions comme celles que l'on vient de citer ci-dessus en référence aux compétences cachées, voir aussi la bibliographie.
Voir ici, un article complet, argumenté et détaillé sur le Management Bienveillant, en version critique
Qu'il s'agisse d'un mépris de classe, du mépris des "bleus bites" (les anciens sur les nouveaux), de ceux qui n'ont pas qui n'ont pas suivi une école prestigieuse, les plus gradés sur les sous-fifres, les hommes sur les femmes, les forts sur les faibles, ceux qui n'aiment pas les jeunes, ceux qui n'aiment pas les vieux, ceux qui n'aiment pas ceux qui n'ont pas la même couleur ou un nom étranger...
Bref, toutes les discriminations possibles et imaginables, il s'en invente au quotidien.
Mais attention, le mépris n'est pas uniquement réservé aux êtres malfaisants. À un moment donné on est tous méprisants d'une manière ou d'une autre. C'est cela que le management de l'entraide doit combattre.
Au début des années 80, je fréquentais de temps à autre un restaurant particulièrement convivial du 15e arrondissement: "Le Sampieru Corsu".
Tenu par Claudiu Lavezzi, un communiste libertaire, ce restaurant avait instauré un mode de paiement pour le moins original. Chaque convive payait son repas en fonction de ses revenus. Le dos du menu présentait un bilan précis du fonctionnement économique du restaurant. Une table de correspondance prix du repas à payer/revenus permettait d'évaluer son dû.
L'idée était simple : permettre à tout un chacun de venir dîner sans façon. Ceux qui étaient dans la dèche, ne payaient que ce qu'ils pouvaient voire rien du tout. L'équilibre du restaurant étant assuré par tous ceux qui, se sentant responsables, payaient un peu plus que le prix de revient du repas, pivot économique du système.
Mais attention, il n'était surtout pas question de charité, un mot dont le restaurateur avait horreur. Personne ne devait savoir qui et combien chacun payait son écot. Au moment de quitter le restaurant, il suffisait de glisser discrètement dans une boîte prévue à cet effet, la somme dont nous nous sentions redevables.
Comme vous vous en doutez, j'appréciais cette forte et généreuse volonté d'instaurer un autre de mode de commerce. J'en parlais d'ailleurs régulièrement autour de moi. Ainsi, un soir je vins accompagné de deux collègues de travail curieux de découvrir ce restaurant.
A peine la porte franchie, le restaurateur nous salua depuis sa cuisine. Ah! tu soignes ma publicité, c'est bien, j'aime voir de nouvelles têtes. me dit-il en substance.
Et là je compris mon erreur.
Ces deux cons, car il s'agissait réellement de deux cons, se mirent tour à tour à jauger le cadre et les convives avec l'air suffisant de ceux qui se sentent d'une classe sociale supérieure. Une fois servis, ils critiquaient la chère et chipotaient dans leur assiette d'un air dédaigneux, simulant la recherche d'un morceau digne de leur noble palais.
S'il est vrai que Claudiu Lavezzi tirait les prix pour maintenir son équilibre, il était plutôt bon "chef" et sa cuisine n'était pas plus mauvaise que celle proposée par la cantine, appelée pompeusement restaurant d'entreprise, où ces deux-là déjeunaient tous les midis sans se plaindre. De toute façon, l'objectif n'était pas de dîner avec fastes mais bien de passer une bonne soirée de rencontres au contact de personnes d'univers totalement différents.
Le repas se déroulait habituellement dans une bonne ambiance et se concluait assez souvent par un petit spectacle offert par quelques convives habitués des lieux. Ce soir-là c'était un conteur. Mais mes deux "invités" étaient des gens bien trop sérieux. Les histoires joliment racontées semblaient les plonger dans un profond ennui. Les voyant une fois de plus regarder leurs montres, je décidai de mettre un terme à ce calvaire commun. Prétextant auprès du maître de céans un rendez-vous urgent j'enjoignis aux deux infâmes de lever le camp. Ils n'hésitèrent pas une seconde.
Lorsque l'on pense avoir atteint le comble de l'exaspération, il est assez déplaisant de constater qu'il faut encore finir sa coupe sans en laisser une goutte, jusqu'à la lie dit-on.
En sortant, répondant effrontément au salut du restaurateur qui se tenait près de la porte, il passèrent devant la fameuse boite sans daigner y jeter un coup d'oeil.
« Et alors ? Ne nous as-tu pas dit que l'on pouvait ne pas payer non ? Et pour ce que l'on a mangé, excuse-moi ! »
Je vidai mon porte-monnaie dans cette boîte, de quoi couvrir largement les 3 repas mais le mal était fait. J'apprenais alors, à mes dépens, qu'il ne faut pas mixer les différentes phases de sa vie sans un minimum de précautions.
Comme vous vous en doutez, une fois dehors je les abandonnai sur place. Le fort turn-over était alors la caractéristique des métiers de l'informatique, je ne les revis jamais.
Par la suite, je suis peut-être retourné dans ce restaurant une ou deux fois mais guère plus. Les détours de la vie m'ayant entraîné vers d'autres chemins de fortune.
Pour la petite histoire, le Sampieru Corsu a duré bien bien plus longtemps que ne le prévoyaient les esprits défaitistes pour qui l'humain ne serait qu'un profiteur né. Le modèle économique de ce restaurant est viable, les profiteurs n'étaient qu'une infime minorité. Claudiu Lavezzi aujourd'hui décédé était réellement un homme d'exception et cela il ne faudra jamais l'oublier.
Présentation détaillée du livre "la transformation démocratique de l'entreprise"
Les Tableaux de bord du Manager Innovant
Une démarche en 7 étapes pour faciliter la prise de décision en équipe
Alain Fernandez
Editeur : Eyrolles
Pages : 320 pages
Prix : 25 Euros
EAN : 978-2212569285
À la fin du 19ème siècle, Pierre Kropotkine s'opposait totalement aux dérives de l'interprétation du Darwinisme appliqué à la société, entretenues par une armée de simplificateurs qui avait réduit cette magistrale étude à une simple lutte comme moyen de survie.
Kropotkine, après une longue observation des comportements des animaux, a surtout compris que les groupes d'êtres vivants survivaient essentiellement grâce à la solidarité entre les individus et parfois même entre les générations. L'auteur ne nie pas la lutte mais perçoit dans l'entraide un facteur majeur de l'évolution d'où le titre de son ouvrage majeur : "L'entraide, un facteur de l'évolution". publié en 1902 (Mutual Aid: A Factor of Evolution).
Nous pouvons affirmer que pour le progrès moral de l’homme, le grand facteur fut l’entraide, et non pas la lutte. Et de nos jours encore, c’est dans une plus large extension de l’entraide que nous voyons la meilleure garantie d’une plus haute évolution de notre espèce. Extrait de l'ouvrage de Kropotkine.L'entraide
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3. La clé du Management de projet : le facteur humain
C'est sympa de rappeler ce resto. Je ne le fréquentais plus depuis quelques temps mais j'y ai aussi passé de bons moments.
Ecrit par : Mario
Comme quoi, il faut vraiment déjeuner avec les gens pour savoir ce qu'ils ont dans le ventre (et dans le coeur). Très beau billet, Alain - Bien à toi, Lionel
Ecrit par : Lionel
Merci Lionel A+
Ecrit par : afz
J'y ai mangé aussi deux ou trois fois, il y a bien longtemps. Comme quoi, le fait qu'il ait survécu prouve au moins que l'on peut vivre, économiquement, en faisant le pari de la fraternité humaine. Bien entendu, les deux types n'étaient tout simplement pas équipés côté coeur pour bénéficier de la leçon.
Ecrit par : Jean-Marc Berlioux
ou alors les 2 types étaient de droite tout simplement ?
Ecrit par : antony
Le hasard d'internet, c'est de tomber sur un blog qui conte une histoire et comme il s'agit de l'histoire de bien avant les restos du coeur, on peut se dire que c'est l'histoire d'un mec, qui n'a pas chercher ni fortune ni gloire, juste d'être et de rester un exemple pour les siens en laissant vivre ses valeurs. Et c'est certainement par le souvenir qu'il vivra plus vieux qu'Abraham... preuve qu'il avait raison.
Ecrit par : Emmanuel Vrel-Lavezzi
J'ai habité quelques années en face de chez Claudiu. Un grand homme, avoir un brin de son courage et de son humanité nous ferait déjà réussir notre vie.
Ecrit par : Denis Lafont