Modèle de la poubelle: Vous avez des solutions ? Cherchez un problème !
Pour résoudre un problème dans l'entreprise, les décideurs étudient la problématique, cherchent une solution, définissent une enveloppe budgétaire, mobilisent les moyens et les compétences pour lancer le projet. Voilà pour la théorie. Dans la vraie vie, bien souvent, les décideurs cherchent à utiliser des ressources et des compétences disponibles et trouvent ensuite un problème à résoudre qui, par miracle, devient urgent. C'est le fameux modèle de la poubelle de James G March. Étudions ce modèle décapant.
Il n'y a pas de problème, il n'y a que des solutions. L'esprit de l'homme invente ensuite le problème.
André Gide
Les décisions sont-elles toujours rationnelles ?
C'est ainsi qu'on les juge. Après coup en tout cas.
Comment, dans vos entreprises, définissez-vous la priorité des projets ?
- Toujours après une étude d'opportunité rondement menée avec une définition précise de l'urgence ?
- En tenant compte de la disponibilité des ressources ?
Dans la réalité, on dira un mix des deux puisqu'une fois que l'on a décidé qu'un projet était prioritaire, il gagne tous ses galons d'urgence.
Exemple vécu
Il y a déjà pas mal de temps, nous avions monté, avec un collègue de
l'époque, une petite boîte de développeurs spécialisés dans les
problématiques d'informatisation de la production industrielle.
L'automne était particulièrement propice pour
effectuer notre marché auprès de nos clients, et récupérer un ou deux
projets conséquents à notre échelle afin de démarrer correctement
l'année suivante.
Les responsables de division disposant de queues de
budget et nous sachant disponibles, nous étions peu nombreux sur le
créneau et les besoins étaient alors énormes, profitaient de
l'opportunité et « découvraient » de nouvelles urgences. Les priorités
des projets étaient rapidement chamboulées…
Curieuse approche de la décision, me diriez-vous. Mais est-elle vraiment originale ?
Le modèle de la poubelle
James G March
avait déjà étudié ce phénomène, et s'en était servi pour démontrer le
côté mythique de la décision rationnelle au sein des organisations.
Dans la théorie classique, on présuppose que face à un problème les
décideurs élaborent rationnellement une solution adéquate. Voici le
problème, cherchons la solution. Mais selon les observations de March
et de ses collaborateurs, le processus de décision ne se déroule pas
ainsi.
Il s'agirait plutôt de mettre en concordance des solutions
pré-existantes avec des problèmes. Les décideurs puiseraient ainsi,
dans une vaste poubelle, des solutions en quête de problèmes.
La
prise de décision, dans ce cas précis, ne serait que le fruit de la
rencontre entre des flux de solutions, de problèmes, de participants et
d'opportunités : "Le modèle de la poubelle" était né.
Lorsque les problèmes existent, me diriez-vous, il ne s'agit là que
d'une question d'occasion. Les ressources sont disponibles, la solution
"est en magasin", profitons-en, ça ne durera pas. Voilà quel pourrait
être le raisonnement logique après un difficile effort de
rationalisation a posteriori.
Mais en réalité, cette approche par
la disponibilité ne force-t-elle pas la main pour tenter de faire
coller par tous les moyens une solution déjà existante à un problème
mal défini ? Voire, et ce dans le pire des cas, de faire surgir des
problèmes qui n'existent pas vraiment ?
Quelques cas typiques
Regardons un peu autour
de nous...
- Ne sommes-nous pas dans le cadre du "Modèle de la poubelle"
lorsque l'on investit dans une technologie avant d'établir une
véritable étude d'opportunité ?
- Ou encore, lorsque le "comment" l'emporte
sur le "pourquoi", et que l'on passe très rapidement à la mise en oeuvre
avant de bien étudier le pourquoi de cette solution ?
- Combien de fois a-t-on compté sur les technologies disponibles pour résoudre des
problèmes organisationnels ?
- Combien de projets d'ERP et surtout de gestion de la relation client CRMont ainsi démarré sur les chapeaux de roues et fini dans le fossé par manque de préparation et d'étude précise de la valeur et de la rentabilité ? ...
- Et combien de projets de Business Intelligence ont suivi la
même voie ?
Finalement, ne serait-ce pas là une des principales pierres
d'achoppement des projets ?
Prendre un de recul et vérifier les pratiques de mise en adéquation des besoins et des solutions sera un bon point de départ avant d'aborder les questions essentiels d'alignement stratégique... Si l'on souhaite en tout cas dépasser un tant soit peu le stade des discours blablas et du pipotron...
A mon avis, le modèle de la poubelle, malgré son demi-siècle révolu, est plus réaliste que jamais.
Présentation détaillée du livre "la transformation démocratique de l'entreprise"
L’auteur
Alain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l’aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a accompagné nombre d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
A ce sujet, voir aussi
- Quel est le processus de décision en entreprise ?
Décider n'est pas une affaire de tout repos. Celui qui décide s'engage et doit donc assumer les risques. Cela dit, celui qui ne décide pas s'engage aussi malgré lui et devra assumer les conséquences de sa non-décision. Décider est donc une fonction essentielle et pas seulement pour les managers. Voyons le processus de déroulement de la prise de décision.
- La prise de décision et le droit à l'erreur
Malgré la croyance largement répandue, la qualité d'une décision ou la compétence d'un décideur ne peuvent être jugées au seul vu des résultats. C'est pourtant malheureusement le principe retenu, que ce soit en entreprise ou ailleurs, pour trier les bonnes décisions des mauvaises et, dans la foulée, les décideurs respectables des incompétents. Ce principe est totalement erroné et néfaste de surcroît. Toute la question du droit à l'erreur repose justement sur un sérieux éclaircissement de ce principe. Voyons tout cela dans le détail.
- Le manager, le robot et la prise de décision
Le rôle du manager, c'est de prendre des décisions, c'est un fait. Un robot équipé d'une intelligence artificielle sera-t-il capable de prendre lui aussi, voire mieux, les indispensables décisions ? C'est ce que croient tous ceux qui se fondent sur le modèle de l'Homo oeconomicus. Selon ce modèle pour le moins simpliste, le décideur est ultra rationnel, parfait calculateur et pleinement informé, il prend toujours la bonne décision, comme un robot donc. En réalité, en entreprise on navigue plutôt dans un contexte complexe et incertain, et le processus de décision ne peut être envisagé par un modèle simpliste qui fait l'impasse sur l'incertitude, le doute et le risque.
Ressources web
- « The garbage can model » Decision-making and problem solving skills, the rational versus the garbage can model of decision-making
À lire
La prise de décision en équipe est bien la seule solution pour résoudre le problème de la complexité et de l'incertitude inhérente au contexte économique hyper-concurrentiel actuel
Les Tableaux de bord du Manager Innovant, Une démarche en 7 étapes pour faciliter la prise de décision en équipe
Alain Fernandez
Editeur : Eyrolles
Pages : 320 pages
Prix : 25 Euros
EAN : 978-2212569285
Disponible en librairie
Le chef de projet efficace
Les 12 bonnes pratiques pour un management humain
Alain Fernandez - Eyrolles
Pour réussir les projets d'entreprise, adoptez une démarche qui dynamise le relationnel entre les femmes et les hommes.
6ème Edition
250 pages - Prix librairie : 22 EUR
voir la fiche détaillée »»»
Dispo chez :
Voir aussi...
Partagez cet article...
(total partages cumulés > 65)