Comment extraire l'information clé de la pollution informationnelle ?
Affirmer que nous sommes noyés sous des tonnes d'informations insignifiantes est une lapalissade. Le vrai problème de l'info-obésité c'est bien de parvenir à extraire les informations clés de l'abondance de données, c'est-à-dire uniquement celles qui nous sont utiles et qui seront susceptibles d'enrichir notre connaissance pour traiter le problème du moment. Pour ce faire, nous disposons tous autant que nous sommes d'un outil que l'on a tendance à oublier : notre bon sens.
La vie, c'est ce qui se passe quand on n'a pas son téléphone portable entre les mains. Enrique Bunbury
Extraire les informations essentielles du bruit ambiant
Nous sommes à tout instant confrontés à une avalanche de données quasiment immaitrisable. Les technologies numériques nous ont conditionnés à être toujours attentif au flux d'informations sans cesse renouvelé,
Twitter (X) en est un bon exemple.
Et si je loupais l'information essentielle ?
On peut toujours se dire que l'on finira bien par déconnecter tout en sachant que l'on ne le fera jamais, en tout cas tant que l'on est un acteur du monde de l'entreprise. À juste titre, imaginez que l'information essentielle, celle qui vous conférerait l'assurance et donc le pouvoir de débloquer une situation, vous passe sous le nez !
Une information exclusive ne l'est pas ad vitam aeternam
Le facteur temps est primordial. Une information a une durée de vie limitée et on ne prend pas les décisions après coup, quand l'instant opportun est dépassé depuis belle lurette.
Exemple du délit d'initié
L'exemple de l'information boursière, notamment dans le cas de délit d'initié, illustre bien le propos. Si vous avez la chance de disposer d'une information de première bourre limitée à un cercle restreint d'initiés, vous êtes parfaitement conscient que cette information exclusive pour le moment ne va pas le rester éternellement. Il s'agit de décider et d'agir au plus vite.
C'est un peu cela que je cherche à expliquer dans ce bref paragraphe un peu plus développé ici :
La prise de décision en temps réel
FOMO : surtout ne rien manquer
En fait, nous sommes surtout les victimes de "la peur de manquer quelque chose",
Fear Of Missing Out FOMO, un concept qui traduit bien cette crainte de passer à côté de quelque chose d'important. Pas facile de séparer le bon grain de l'ivraie, on ne le répétera jamais assez. Parce que si on réfléchie un peu, en quoi ça m'intéresse toutes ces informations qui parlent de tout et de rien ? Pourquoi je clique sur les titres racoleurs justement nommés "putaclics" si ce n'est pour augmenter le nombre de vues de l'annonceur publicité et par de là la rentabilité du site ?
Un peu de rationalité dans son comportement serait la bonne solution. Encore faut-il s'en tenir durablement aux bonnes résolutions.
Le vol de l'attention
Le constat n'est pas neuf.
Dans un monde riche en informations, l'abondance de l'information signifie un manque de quelque chose d'autre, de ce que l'information consomme. Et ce que l'information consomme est évident : elle consomme l'attention de ses destinataires.
Cette phrase est de
Herbert A. Simon (1916-2001), prix Nobel d'économie 1978 et inventeur du concept de
Rationalité limitée. Cette citation date tout de même de 1971 !
Il est aussi intéressant de relever que Hermann Melville, auteur de Moby Dick et lui-même chasseur de baleines, note dans son livre-phare le bonheur de partir en mer pour un minimum de dix-huit mois et être détaché ainsi de toutes informations :
"Une grande partie du temps de ces expéditions baleinières sous les tropiques vous accordent la splendeur d'une vie dépourvue de tout évènement.
Vous n'apprenez aucune nouvelle, vous ne lisez aucun journal, vous ne savez rien des malheurs domestiques, rien des valeurs qui font banqueroute, des produits en baisse, aucune édition spéciale ne vous annonce, sous des titres à sensation, ses trivialités, rien ne vous invite à une inutile agitation."
Moby Dick a été publié en 1851. Il est aussi vrai que c'était une grande époque pour la presse papier même si ce n'est en rien comparable avec notre vingt-et-unième siècle actuel.
Le paradoxe de l'incertitude
On associe à peu près systématiquement la notion d'incertitude avec la pauvreté de la collecte informationnelle. Sous-entendu que l'abondance d'informations résoudrait la question de l'incertitude. C'est faire fi de la détresse du manager devant faire face à un flux ininterrompu de données.
"Chercher une aiguille dans une botte de foin". Cette expression populaire illustre bien la difficulté de trouver une hypothétique information décisive.
Et si on automatisait la prise de décision ?
Au cours d'un projet BI, un développeur pense ainsi à haute voix : -
"Avec des données aussi nickel, je crois de plus en plus que, finalement, un jour viendra où l'on parviendra à automatiser la prise de décision !"
Il précise toutefois, afin de modérer un tant soit peu son propos : -
"Bon OK, je ne parle pas des décisions stratégiques, mais en tout cas pour les décisions opérationnelles, cela me semble évident. "
Sans vouloir s'engager sur le terrain glissant de la polémique stérile entre les fous de la robotisation allant dans le sens du progrès contre les "humanistes" croyant encore dans le rôle de l'humain, il est bon de préciser que prendre une décision dite "opérationnelle" n'est pas toujours une évidence. La prise de décision comporte toujours une part de risques qu'un système automatique aussi sophistiqué soit il ne saurait évaluer.
Les décisions procédurales
Les seuls cas à risques limités sont les décisions dont la solution est déjà comprise dans l'énoncé, du type: si A faites 1 si B faites 2... Il suffit alors de lire les données pour être assuré de prendre la bonne décision. Les manuels de dépannage et plus généralement les
procédures exploitent de longue date
les arbres de décision. D'ailleurs, dans ce cas, parler de décision est un abus de langage.
De toute façon, en entreprise, le nombre de décisions de ce type (procédurales par exemple) se réduit comme une peau de chagrin.
Cela dit, après réflexion, il faut bien se rendre compte que, même dans ce dernier cas, la décision n'est pas aussi évidente que cela. Il s'agit en effet d'extraire l'information décisive de la masse de données délivrées.
Pas toujours si simple.
Les pièges de l'abondance d'informations
Lorsque l'on parle de la difficulté de la décision on évoque le plus souvent la situation d'incertitude due à une
information incomplète. Intéressons-nous pour une fois aux difficultés induites par la
surabondance de l'information. Les informations décisives sont perdues dans la masse des informations collectées. Comment les identifier ? Une question particulièrement cruciale à l'heure de
prise de décision avec le Big Data
Une énigme à résoudre pour mieux comprendre
Pour vous donner une idée de la difficulté de décider lorsque l'information est trop abondante, je vous invite à tenter de résoudre ce petit calcul mettant en jeu un train de marchandises et un drone un peu farfelu...
En voici l'énoncé en deux parties :
1. Un train de marchandises, composé d'une motrice et de 14 wagons chargés, part de Marseille à 8h35 pour rejoindre la gare de Villeneuve-Saint-Georges, plate-forme de triage.
Voilà le contexte.
Voyons maintenant les péripéties du voyage:
- A) Le train s'arrête en gare d'Aix-en-Provence durant 5 minutes pour laisser la voie libre à un express.
- B) Puis, il s'arrête de nouveau à Lyon Perrache durant 15 minutes pour changer de conducteur.
- C) Il roule à une moyenne de 75 km/h
- D)Arrivé à destination, le trajet total a duré exactement 10h00, conformément aux instructions de la feuille de route.
2. Un drone particulièrement sophistiqué en matière d'autonomie et de vitesse, et assez mal programmé ,il faut bien le dire, adopte un comportement particulièrement curieux.
- E) Il part de Villeneuve-Saint-Georges (gare d'arrivée) à la même heure de départ que le train, soit 8h35.
- F) Il vole à 300 km/h de moyenne et se dirige directement vers le train.
- G) Chaque fois qu'il s'approche de la locomotive au risque de la toucher, il retourne sans délai à son point de départ pour revenir de nouveau vers le train qui bien sûr entre temps a progressé.
- H) Il répète son manège inlassablement jusqu'à ce que le train arrive à destination. Ses allers-retours sont de plus en plus courts et en conséquence plus fréquents.
- I) Son parcours peut être représenté graphiquement comme un signal amorti peu à peu.
Question : Quelle distance (arrondie au kilomètre) le drone a-t-il parcourue ?
L'information est propre, nette, précise. Pourtant la quantité de détails constitue un bruit ambiant qui perturbe le décideur. L'information essentielle lui échappe. Pas toujours si facile d'en extraire la substantifique moelle. Toute la difficulté du problème ci-dessus réside d'ailleurs dans ce bruit confus et cette multiplication de détails qui masquent l'information essentielle.
Non bien sûr, ce n'est pas le thème de l'amortissement qu'il s'agit de résoudre, nul besoin de recourir aux équations différentielles, l'information de la ligne I) est inutile. Ce n'est pas la seule d'ailleurs.
En fait, vous n'avez besoin que de deux informations pour résoudre ce problème :
- La vitesse du drone, ligne F) : 300 km/h
- et la durée du parcours, ligne D) : 10 Heures
Rien de plus !
En effet distance = vitesse x durée
Le drone vole à 300 km/h durant 10 heures qui est la durée du parcours total, il a donc parcouru : 3000km
Toutes les autres informations ne sont que du bruit !
Le vieux couple en pique-nique
Dans le même genre il y a aussi l'énigme ultra connue qui a longtemps navigué sur les
réseaux sociaux :
Un couple de personnes âgées est allé en pique-nique. Ils ont 5 fils, et chaque fils a 3 enfants.
Question : Au total, combien de personnes sont allées pique-niquer ?
Là encore il faut bien lire le texte avant de se lancer dans des raisonnements et des opérations échevelés.
Rien dans ce bref énoncé n'indique que d'autres personnes,hormis le vieux couple, n'ont participé au pique-nique.
C'est face à ce genre de problème qu'il faut faire jouer son bon sens et ne pas hésiter à se référer aux fondamentaux. Plus facile à dire qu'à faire, je ne le nie pas. C'est bien là toute la difficulté de prendre des décisions en un contexte complexe.
Multiplication des reportings et perte du sens...
Les
rapports périodiques produits par les entreprises ont aussi fortement tendance à noyer l'information sous une quantité de détails.
Combien d'outils décisionnels sont encore bâtis en partant du principe : « Cette donnée est-elle utile ? Bon je ne sais pas, mais je l'ajoute quand même, ça pourra toujours servir, on ne sait jamais... » ?
Bien entendu, il y a vraisemblablement une information essentielle cachée dans toutes ces données, mais comment la détecter, comment l'extraire et l'interpréter ?
Alors, comment s'en sortir ? Avec un peu de bon sens. Aussi bien au moment de la composition du rapport de type reporting ou du tableau de bord qu'au moment de sa lecture et de son interprétation.
C'est d'ailleurs la solution du problème ci-dessus (du niveau de l'école primaire une fois les informations essentielles identifiées...)
Une question de bon sens
Mais, pssst... Entre nous, poussons un peu plus avant le raisonnement...
Dans quelques cas, pas si rares d'ailleurs, la bonne décision n'est-elle pas plutôt une question de bon sens que de disponibilité de l'information ?
On prête une anecdote à Antoine Riboud, à l'origine du groupe Danone, qui illustre bien ce propos.
Lors de la chute du mur, les entrepreneurs français avaient dépêché des experts dans les pays de l'ex bloc communiste afin d'identifier le potentiel de croissance et l'opportunité de s'implanter.
La mutation venant tout juste de démarrer, les rapports, camemberts et autres barres-graphes étaient bien en mal d'indiquer une tendance précise. Les entrepreneurs, perplexes, jugèrent prudent d'attendre. Pourtant, Antoine Riboud avait décidé d'implanter tout de même une usine.
Entrepreneur de renom, que pouvait-il avoir vu dans ces chiffres plutôt plats ? Quelle information essentielle avait échappé aux autres ?
Il répondit : "Tous ces chiffres et prévisions, je ne sais pas trop. Ce que je sais, c'est que dans tous les cas, il faudra bien qu'ils mangent."
Finalement, que serait la prise de décision efficace sans une bonne dose de Bon Sens ?
Promis, la prochaine fois, je vous proposerai un problème de robinets.
😏
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L’auteur
Alain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l’aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a accompagné nombre d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
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Référence du site
Les Tableaux de bord du Manager Innovant, Une démarche en 7 étapes pour faciliter la prise de décision en équipe
Alain Fernandez
Editeur : Eyrolles
Pages : 320 pages
Prix : 25 Euros
EAN : 978-2212569285
Disponible en librairie
Voir aussi...
Source Image : Gerd Altmann de Pixabay, Clker-Free-Vector-Images de Pixabay, Harry Stoll de Pixabay, OpenClipart-Vectors
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