Sans plonger dans l'excès inverse et basculer de la technophilie à la technophobie, il est toutefois prudent de jeter un oeil de l'autre côté du miroir (aux alouettes ?).
Deux conseils pour mieux aborder ces technologies d'avenir :
La notion de big data, "mégadonnées" ou "données massives", deux traductions types reconnues comme officielles en France, dépasse largement la simple traduction littérale du terme ainsi proposée.
Le Big Data, ce n'est pas uniquement le stockage de très grandes quantité de données. Le big data, c'est aussi la capacité de trier, de classer et d'analyser très rapidement lesdites données.
De tels moyens sont riches de promesses. Les fournisseurs, éditeurs et cabinets de conseils, fraîchement devenus spécialistes, ont rapidement su trouver les indispensables termes marketing pour bâtir une stratégie de séduction, suffisamment efficace pour charmer puis capturer les clients une fois ceux-ci "tombés en pâmoison".
Nous avons donc conçu des systèmes d'information à peu près en phase avec ces finalités qui se recoupaient pour une meilleure efficacité de fonctionnement. Bien conduite, le résultat était à terme financièrement perceptible. Le big data nous conduit à un tout nouveau tropisme : l'information.
Pour mémoire, c'est ainsi que bien des projets d'implantations de solutions de CRM ont purement et simplement foiré...
Croyance numéro 2, corollaire de la première : "Lorsque l’on aura cumulé toutes les données possibles on disposera alors d’une connaissance absolue du réel. On pourra enfin prendre de bonnes décisions."
Cette double certitude est fondée sur un leurre : la collecte totale des données est en effet impossible ! Et même, faisons un peu de science fiction, imaginons que cette collecte exhaustive soit possible, elle ne permettrait en rien de modéliser le complexe.
En revanche on peut se limiter à une seule question et tenter d’en extraire un sens compréhensif. la modélisation est en effet utile, voire indispensable pour étudier UN aspect de la question, mais pas pour cerner la RÉALITÉ.
Tous les modèles sont faux, mais quelques-uns sont utiles. Une première citation de George Box
Pour être exploitable, le modèle doit être construit par un professionnel, un data-scientist, qui connaît le métier de celui qui devra l'utiliser. Ce dernier, le décideur, sait exploiter le modèle, il en connait les limites et pourra tenter d’interpréter dans le bon sens les apports du modèle pour mieux construire ses connaissances.
Les statisticiens sont comme les artistes, ils tombent amoureux de leurs modèles. Une seconde citation de George Box
Or il semblerait que pour bien des projets big data l’approche métier soit délaissée au profit de la technologie.
Cela dit, il serait dommageable d'oublier qu’un humain a aussi ses biais intellectuels. Il s’efforce généralement et malgré lui de retrouver ses idées préconçues, quitte à interpréter les enseignements. Personne n'aime être bousculé au sein de sa propre sphère de croyances. Bref rien n’est parfait dans ce bas monde.
Pour l’industrie informatique, on a ainsi connu ces vingt dernières années le « miracle des ERP ».
L'ERP ou progiciel de Gestion intégré, tel que le concept fut traduit en français, était la solution magique, en tout cas selon ses promoteurs, pour implanter, automatiser et rigidifier les processus de l’entreprise. Une démarche sensée résoudre tous les problèmes organisationnels et d'optimisation de la performance.
Mais une fois en pratique, sur le terrain, les usines à gaz ont succédé aux promesses de simplification. Soit on contraint l'entreprise pour qu'elle rentre dans le moule, avec toutes les conséquences des changements d'habitudes qui imposent nécessairement des changements d'attitudes toujours, et à juste titre, mal vécus. Soit on casse le moule, et l'on se lance alors dans des développement sans fin et des dysfonctionnement multiples et insolubles.
La principale source de rentabilité des ERP est à chercher du côté des gains obtenus par les réductions d’effectifs... Et encore, pour justifier l'opération, il vaut mieux ne pas hésiter un instant à tricher un peu avec le bilan projet, et ne pas comptabiliser trop de détails afin de modérer les coûts réels de mise en oeuvre et de déploiement de la solution...
C'est ainsi que le CRM, la gestion de la relation client, est arrivé à point nommé pour prendre le relai. Le client était alors devenu le "ROI", l'objet de toutes les attentions. Les entreprises ont pris pleinement conscience du message que Peter Drucker assénait depuis pas mal d’années au fil de ses ouvrages et de ses conférences. C’est bien le client qui doit être au coeur des préoccupations de tout entrepreneur, quel qu’il soit, quel que soit la taille et l’activité de son entreprise. Le commercial n’est plus le seul concerné par la relation client. Le client doit impérativement devenir l’objet d’attention de tout un chacun. Les promoteurs de solutions de CRM usaient de formules jamais démontrées, et d’ailleurs indémontrables, pour étayer le propos. Ils affirmaient ainsi d’autorité que gagner un nouveau client coûtait 7 fois le prix de l’effort nécessaire pour fidéliser un ancien...
Mais pour les fidéliser, encore faut-il bien les connaître ! D’où l’indispensable nécessité des solutions de CRM ! CQFD ! Voilà la solution miracle, la nouvelle vache à lait des vendeurs et consultants !
Mais là encore, les projets s'avèrent bien plus complexes que ne le laisse entendre la plaquette commerciale et les discours lénifiants des experts du moment. Sans une réorganisation de fond de l'entreprise et de sa culture, point de salut !
Une majorité de projets furent abandonnés à mi-parcours. Au mieux, les entreprises ne se contentaient que d’une partie du concept qui ne bouscule pas trop leurs principes de fonctionnement : l’automatisation des forces de ventes.
Pour parvenir à ce stade, les promoteurs ont su redoubler d’efforts pour exploiter à fond le storytelling. Ils n’hésitent pas non plus à abuser de superlatifs et de comparaisons un poil fallacieuses. C’est ainsi que l’on construit un miroir aux alouettes.
Dès 2008, Chris Anderson a placé la barre au plus haut en titrant un article de Wired qui fit date : "The End of Theory: The Data Deluge Makes the Scientific Method Obsolete" (à lire ici).
Le mythe était lancé.
Relayée par la chambre d’écho du web, le mythe pris rapidement de l'ampleur. Le web est une caisse de résonance pas toujours raisonnante, où tout un chacun peut répéter en boucle avec moult détails les miracles de cette technologie sans jamais les avoir vu. C’est toujours ainsi avec les miracles. N’en parlent que ceux qui ne les ont jamais vu.
Ainsi, comme pour le Data Mining il y a une bonne vingtaine d'années, on nous vente des corrélations extraordinaires. Savez-vous que les voitures de couleur orange seraient les plus fiables ? Ou encore que les femmes à grosses poitrines sont les plus addicts à la consommation en ligne ? (via le blog de Tom Davenport). Des corrélations sans causalité, c’est un peu cela que nous conte Chris Anderson avec sa fin de la théorie...
Cela dit pour dénicher quelques corrélations intéressantes encore faut-il disposer d'une base de données plutôt conséquente. Ainsi on nous cite les cas de Google, Facebook, amazon ou Alibaba (les femmes à fortes poitrines) et consors... Le trafic de ces sites base se chiffre en centaine de tera-octets journalier...
Les Tableaux de bord du Manager Innovant
Une démarche en 7 étapes pour faciliter la prise de décision en équipe
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Présentation détaillée du livre "la transformation démocratique de l'entreprise"
Pour se forger une solide idée de la question, le plus simple et le plus rapide reste encore de s'accorder un peu de temps pour profiter du fruit des travaux des experts qui étudient les impacts humains des technologies et mettent en lumière l'envers du décor.
Un livre court mais précis pour résister aux mythe et mieux comprendre la réalité et les enjeux du Big Data et du "monde des algorithmes"...
À quoi rêvent les algorithmes
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Pour Evgeny Morozov l'essor totalement débridé des technologies n'est qu'un moteur de plus de l'économie ultra libérale. Il n'est que temps que nous, les citoyens, reprenions les technologies et nos données en main. En deux mots, au fil de cet ouvrage, Evgeny Morozov nous démontre sans tergiverser que l'essor des technologies totalement débridé, tel qu'il est conduit par la Silicon Valley et la multiplication des starts-up Hitech, n'est qu'un moteur de plus de l'économie ultra libérale. Il n'est que temps que nous, les citoyens, reprenions les technologies (et nos données !) en mains, avant d'être pris au piège et d'en subir toutes les conséquences. Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Evgeny Morozov est un spécialiste des technologies et de leurs utilisations. Il est largement connu et reconnu dans le monde anglo-saxon pour la qualité de ses raisonnements particulièrement bien construits et son style plutôt direct.
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2. Le projet Business Intelligence informatique décisionnelle